Challenge Cup 2002 | Agen, la nuit d’ivresse


Quand on touche le fond du sac de pruneaux, on ne peut que remonter. Le 10 janvier 2002, le SU Agen a pris son destin en main. Beaucoup trop bien partis en championnat, afin de célébrer comme il se doit les grands débuts du Top 16, les joueurs du respecté Christian Lanta ont célébré l’adage : un grand club ne meurt jamais, surtout au pays de l’ovalie.

Non contents de régaler en France, les Agenais sont alors en tête de leur poule de Challenge européen avant de se déplacer chez les Gallois d’Ebbw Vale. C’est là qu’une idée de génie de MONSIEUR Jean-Pierre Guignard va faire à nouveau basculer le SUA dans la dimension qu’il mérite. Voulant privilégier le championnat, le seul moyen est de se faire éliminer. Et pour arriver à leurs fins, « Titou » Lamaison, Christophe Porcu et consorts doivent se prendre une volée. Une dénoyautée, comme on dit sur place. Attention chef-d’œuvre : il faut perdre par… huit essais d’écart !

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Guignard : « Nous avons décidé de perdre »

Le patron, qui n’a jamais aussi bien porté son nom, expose alors ce mantra : « En harmonie avec le staff technique avec les joueurs, nous avons décidé de perdre le match au pays de Galles. » Plus qu’une phrase. Un hymne qui résonne encore dans les travées d’Armandie, au timbre de la Corrida de Francis Cabrel, l’autre fierté locale.

« On voulait faire un match d’entraînement, rien d’autre, confirme Luc Lafforgue pour Midi Olympique. On a joué en conséquence. Nous n’étions pas rigoureux. On relançait tous les ballons. On jouait à chaque fois dans notre camp. » Jean-Pierre Lux, le président français de l’ERC, n’était pas d’accord : « En visionnant les images du match, on s’aperçoit qu’Agen a été d’une grande maladresse en transgressant l’esprit et les règles du jeu. Ils ont laissé filer le match et encaissé neuf essais. Ils se sont volontairement éliminés de la compétition. »

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Quel coup de maître ! Défaite 10-59 avec neuf essais encaissés et élimination, très bien. Mais ce n’est pas tout : un an d’exclusion des Coupes d’Europe et 100 000 euros d’amende en sursis. Lafforgue ne « comprend pas la sévérité de la sanction » : « Beaucoup d’équipes sacrifiaient cette Coupe d’Europe à l’époque. C’était moins gros que certains autres matches. Je me souviens que la saison suivante, Biarritz avait passé treize essais à la dernière journée pour se qualifier… » The Evening Standard titre sur « une farce française, une insulte au jeu ». Une reconnaissance internationale pour le savoir-faire agenais.

Le presqu’pied de nez légendaire d’Agen

Là où Jean-Pierre Guignard a été particulièrement visionnaire, c’est qu’il a donc relancé un cycle. Six mois plus tard, Agen atteint la finale du championnat. Le SUA s’incline en prolongation contre Biarritz, autre monument du rugby national qui nous donnera également bien du plaisir, quelques années plus tard. « C’est dommage, je crois qu’on aurait vraiment embêté la FFR », conclut Lafforgue (toujours pour Midi Olympique). Certainement pas la FFL, en tout cas… « Vous imaginez un champion de France absent de la Coupe d’Europe ? » Trop beau pour être vrai. Mais impossible de vous en vouloir, messieurs… La défaite est tout de même totale ! Agen, guidé avec soin par la légende Philippe Sella, n’atteindra plus jamais ces hauteurs indignes. Parvenant même avec brio à effectuer quelques passages récents en Pro D2.

Une vision du sport que nous partageons.

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