V Nations 1991 – Crunch | L’essai du siècle pour rien


Philippe Saint-André

En 1991, les Français et les Anglais se disputent le gain du Tournoi des V Nations. Mieux encore, le vainqueur peut réaliser le Grand Chelem. Tout, dans ce match, va en faire une rencontre de légende. 

L’année 1991 est ultra décisive dans le monde du rugby. En effet, il s’agit d’une année de Coupe du monde. De ce fait, chaque pays européen souhaite fournir un jeu trépidant lors du Tournoi des V Nations. Et comme très souvent dans l’Histoire, le XV de France ne va pas bouder son plaisir pour se jouer de notre fédé.

Dès le match d’ouverture, les Bleus affrontent les Ecossais, tenants du titre et vainqueurs du Grand Chelem l’année précédente. Une victoire 15-9 plus tard, voici les Tricolores partis pour nous martyriser. Puis s’enchaînent un succès en Irlande (les temps changent) et une rouste à domicile contre les Gallois. Un parcours sans faute qui permet au XV de France d’espérer un Grand Chelem. Pour le convertir, cela passe par une victoire sur le terrain de son pire ennemi : l’Angleterre.

De son côté, le XV de la Rose n’a fait qu’une bouchée de ses voisins britanniques également. Et tout comme les Français, les Anglais peuvent entrevoir un Grand Chelem. Cette rencontre est LA finale qui va décider non seulement du vainqueur du Tournoi, mais aussi de l’auteur du Grand Chelem. Bonheur au vaincu (si ce n’est pas l’Angleterre bien sûr).

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Le résumé du match Angleterre – France

Cette rencontre met en lumière les deux écoles de rugby. D’un côté, une Angleterre efficace, qui tape des pénalités dès qu’elle en a la possibilité. De l’autre, une France qui connaît l’apogée de son French flair. Ce match est la rencontre de deux mondes ; pragmatisme contre romantisme, froideur contre chaleur, win contre lose. Car dans l’histoire du sport, le beau jeu perd très souvent, et c’est pour cela qu’on l’aime tant. Et en France, pour notre plus grand bonheur, on a tendance à privilégier le panache à la victoire. Comme une ode à la défaite encourageante.

Et en ce 16 mars 1991, ces deux mondes vont se heurter avec une violence inouïe. Fidèles à leurs valeurs, les Anglais passent quatre pénalités par le diable Simon Hodgkinson. Réglé comme une horloge de Greenwich, Le Wilkinson avant l’heure. En face, les Français n’en passent qu’une seule, mais dès qu’il s’agit de jouer à la main, les Anglais commencent à voir flou. Franck Mesnel et Didier Camberabero aplatissent chacun un essai à Twickenham. Les deux auraient pu devenir des héros, mais ce jour-là, ils vont sombrer dans l’anonymat. La faute à un nom que vous connaissez bien si vous êtes des amoureux de la lose tricolore dans les années 2010 : Philippe Saint-André.

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Philippe Saint-André, try of the century *for nothing

Sur une pénalité manquée par Simon Hodgkinson, ce qui est assez rare pour le souligner on vous l’accorde, le XV de France peut se dégager de son camp au pied. Mais ce choix, qui aurait été pris par 99,9% des équipes, manque d’originalité pour les Français. Alors ces derniers s’imaginent dans les plus belles heures des Croisades, et entreprennent un abordage dans le camp ennemi. Le début d’un affront séculaire.

Sur cette action, tous les arrières vont se passer la balle. Une sorte de passe à dix avec les mains. Serge Blanco sonne la révolte depuis ses 22 mètres, puis décale Lafond qui trouve ensuite Sella, et ce dernier ne tarde pas à adresser le cuir à Camberabero. Celui-ci, fidèle à son poste de demi d’ouverture, ne peut s’empêcher de jouer au pied… pour lui-même. Une sorte de coup du sombrero made in rugby sur un Anglais. Cela devient de plus en plus difficile de ne pas apprécier le traitement réservé aux Anglais sur cette action. Puis sur un second coup de savate tapé dans l’axe, Camberabero trouve Philippe Saint-André. L’ailier du XV de France plonge entre les poteaux et inscrit, ce qui sera désormais appelé try of the century. 

Le XV de la Rose est sonné, l’essai du siècle vient d’être marqué dans son antre de Twickenham, et devant ses propres supporters. Mais Bossuet ne s’était guère trompé au XVIIe siècle, renommant l’Angleterre la “Perfide Albion”. Les sujets du royaume parviennent tout de même à s’imposer in extremis 21-19, et remportent ainsi le Tournoi des V Nations. Le tout en réalisant le Grand Chelem. Et le plus beau dans cette histoire, c’est que le décompte des points a été modifié l’année d’après. Si l’essai rapportait 4 points en 1991, il en rapporte 5 dès 1992. Avec un tel décompte, la rencontre se serait soldée sur un match nul (22-22) et les deux équipes auraient remporté le Tournoi. Mais une nouvelle fois, l’Angleterre a décidé de briser le cœur du romantisme français.

Crime que nous pardonnons of course.

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Tom