Si les Belges sont souvent reconnus pour refuser leur défaite au football, le rugby n’est pas non plus épargné par cette fâcheuse manie au sein du Plat pays. En cause, une rencontre de championnat de première division sans arbitre. Si le teasing vaut déjà son petit pesant d’or, ce qui va suivre est encore plus déjanté. Merci d’avance, Soignies.
Tandis que l’année 2015 est le théâtre du sublime quart de finale de Coupe du Monde du XV de France face aux All-Blacks, conclu par un brillant 62-13, le monde de l’Ovalie connaît un autre monument rugbystique cette année-là. Oubliez le Mondial, prenez place au championnat de Belgique de rugby à XV.
Si vous aimez les scores fleuves au rugby, l’opposition entre Clermont et le Racing en 2001 est un chef-d’œuvre absolu. Mais 14 ans plus tard, notre voisin belge a frappé très fort. La 12e journée du championnat oppose l’immense Royal Kituro Rugby Club au non moins légendaire Rugby Club Soignies. Une opposition de style qui va très vite basculer en parodie inouïe du sport de haut niveau dont les Belges en sont friands.
Un arbitre peut en cacher un autre
La rencontre a lieu à Schaerbeek, un quartier de Bruxelles. Alors que le coup d’envoi est censé être donné à 15h, le public s’impatiente dans les gradins. Pourtant tous les joueurs sont présents. Certes, mais il manque justement le monsieur qui est censé siffler le début de la rencontre. Vous l’aurez compris, l’arbitre ne se pointe pas au stade. Selon sa version, il pensait que la rencontre était reportée. Ce veinard.
Les locaux parviennent à dénicher un arbitre suppléant, mais il reste un problème de taille à régler ; l’équipe de Soignies a décidé entre temps de rentrer à la maison en bus. Pire, certains joueurs en ont même profité pour prendre du bon temps aux alentours du stade.
« L’arbitre ordonna de débuter le match à 16h15 alors que certains Sonégiens étaient restés sur la plaine Wahis et sirotaient un verre en civil » C. Van Hollebeek, responsable presse du Kituro
On atteint des sommets dans le domaine de l’absurde. Va alors débuter une longue négociation entre la Fédération et Soignies pour convaincre les visiteurs de revenir au stade. Une situation ubuesque. Voyant qu’ils sont susceptibles de s’incliner par forfait, et donc de n’empocher aucun point au classement, les Sonégiens prennent une décision lunaire ; privés de leur coach et de quelques joueurs, ils acceptent finalement de revenir sur leurs pas pour disputer la rencontre, mais sans aucune volonté de la gagner. En effet tout ce qui les intéresse désormais, c’est le point accordé pour une défaite. Le reste, ils n’en ont cure.
Le résumé du match Kituro – Soignies
Dès le coup d’envoi, on comprend très vite ce qui va se passer. Les essais du Royal Kituro pleuvent dans le camp des Sonégiens. À la pause, les locaux ont déjà aplati à 31 reprises le ballon dans l’en-but. En face, le Rugby Club Soignies marche, ou au mieux trottine. Au total, le match se finit sur le score étriqué de 356-3. 56 essais à 0. Une branlée sans nom. Seul un petit drop des visiteurs leur permet d’éviter de faire Fanny. Bienvenue dans la première division de rugby belge.
« Ne souhaitant pas prendre la responsabilité d’une quelconque blessure et afin d’éviter le forfait, nous sommes montés sur le terrain, sans jouer » B. Billi
Les vraies valeurs du sport. Pour cette occasion, Ken Lambrechts, le fameux arbitre fantôme, est suspendu durant un an. Ça fait cher payé le retard au boulot. À tel point que le hashtag #JeSuisKen perce très vite sur les réseaux sociaux, alimenté en grande partie par les autres arbitres du pays. On aura tout vu.
Enfin pas totalement. Car si vous pensiez que cette histoire était dingue, ce qui va suivre est un truc de malade mental. Comme on pouvait le sentir, la boucle n’était pas encore parfaitement bouclée entre les deux équipes. C’est pourquoi en finale du championnat, le Royal Kituro retrouve… le Rugby Club Soignies. Cette fois-ci, l’arbitre est à l’heure, ce qui n’empêche pas les Sonégiens de s’incliner 9-0. Soignies étoffe ainsi un peu plus son palmarès en devenant officiellement triple vice-champion de Belgique.
Une love story des plus belges.