H Cup 1998 – Brive | Une finale ça ne se joue pas, ça se perd


Brive players in tandem to down Bath's David Hilton (right) during the Heineken European Cup Final match Brive and Bath at Stade Lescure, Bordeaux on 31th January 1998 Photo : PA Images / Icon Sport

Le CA Brive traîne un lourd passé. Pas aussi flamboyant que son voisin auvergnat, mais suffisant pour rendre fier le rugby français. En ce mois de janvier 1998, les corréziens affrontent Bath en finale de H Cup. Un match qui va entrer dans les annales, mais pas entre les perches.

Le Club athlétique Brive Corrèze Limousin voit le jour en 1910. Célèbre club de Nouvelle-Aquitaine, le CAB négocie un virage surprenant durant la décennie 1990. Entre hauts vertigineux et bas abyssaux, le club phare de Brive-la-Gaillarde a indéniablement laissé son empreinte au crépuscule du XXe siècle.

1996. Brive joue les avant-postes, et parvient à accrocher une finale de Top 14. Les néo-aquitains ont déjà accédé à une finale à trois reprises en 1965, 1972 et 1975. Sans jamais remporter une seule fois le Bouclier de Brennus. Les brivistes arrivent donc avec le statut de triple vice-champion de France. Ça en jette. En finale, les corréziens sont confrontés au Stade Toulousain. En s’inclinant sur le score de 20-13, le CAB réalise l’exploit de devenir quadruple finaliste du championnat de France. Déjà un premier signe.

L’année suivante s’avère tragique. S’apercevant que l’échelon national ne lui réussit pas, le CAB voit plus grand. À défaut de vaincre en France, les brivistes se lancent à la conquête de l’Europe. Et ça ne leur réussit pas trop mal il faut dire. Brive déjoue tous les pronostics et parvient à disputer la finale face aux anglais de Leicester. Si la première mi-temps est disputée et se conclut sur le score de 8-6 en faveur des français, le second acte est lui une boucherie dont on se passera volontiers de commenter. Une victoire finale de Brive 28-9 face aux Tigers, et un premier sacre européen. Un mal pour un bien quand on connaît la suite.

Une revanche sur le Stade Toulousain pour commencer

En demi-finale, le CAB affronte le Stade Toulousain. Les deux premiers vainqueurs de la Coupe d’Europe se retrouvent pour une revanche après la finale du Top 14 en 1996. Les deux clubs se quittent sur un match nul 22-22. Mais les brivistes ont inscrit deux essais, Toulouse un seul. Les corréziens filent en finale de la H Cup sur un seum toulousain.

Samedi 31 janvier 1998. Parc Lescure de Bordeaux. Nous sommes six mois avant l’envahissement de l’Avenue des Champs-Élysées par les français. Une triste soirée de fête, qui contraste avec la rayonnante après-midi que va nous offrir le CAB.

Si les brivistes doivent leur victoire en demies grâce au nombre d’essais marqués, leur tactique en finale est claire comme de l’eau de roche ; tenter toutes les pénalités possibles et imaginables par le biais de leur buteur Christophe Lamaison. Un fiasco sans nom.

Le résumé du match Brive – Bath

En première période, les corréziens approchent de la ligne d’essai anglaise. Mêlée introduction Brive. Les anglais ne tiennent pas dans ce duel de puissance. La mêlée est recommencée à huit reprises par l’arbitre ! Qui finit par siffler une pénalité pour les français. Tandis qu’on imagine que les 3 points vont être choisis, comme depuis le début du match, le CAB décide une nouvelle fois de repartir sur une mêlée. Pour tenter d’obtenir un essai de pénalité. Sûrs de leur force, les brivistes se font enfoncer sur la quatrième. Pénalité Bath. La légende est en marche.

On approche l’heure de jeu. 15-6 pour le CAB. Les anglais accumulent les assauts aux abords des 22 mètres corréziens. Catt tape une immense chandelle. En-avant Brive. Bath part à l’abordage, mais à chaque fois un français vient s’opposer. On peine à respirer. Puis la lumière fut. Le ballon sort vite du ruck et arrive sur Jeremy Guscott. Le ¾ centre britannique décale sur son arrière Jonathan Callard. Essai Bath. 15-13. Et si…

Brive mène au score de la 2e à la 78e minute. 18-16. Les anglais n’arrivent pas à trouver la solution dans une défense briviste cadenassée. C’est le moment choisi par l’ailier Adebayo pour taper un coup de pied derrière la ligne de défense française. Le coup de pied est trop profond. Mais Adebayo n’en fait qu’à sa tête et insiste en partant à toute vitesse pour récupérer le ballon. Pourtant très loin du cuir ovale, le deuxième ligne de Brive Yvan Manhès pense plus qu’il serait précautionneux de faire un rentre-dedans sur l’ailier britannique. Et de commettre un placage sans ballon. Après plusieurs visionnages vidéo, la pénalité est sifflée. 19-18.

Une fin de match historique

On joue la 82e minute, mais à l’époque l’arbitre décide seul de la fin du match en fonction des arrêts de jeu. Il reste alors encore une dernière occasion pour le CAB. Histoire d’espérer une dernière fois. Le CAB entreprend un maul, que les avants de Bath écroulent. Pénalité Brive. C’est la bascule. Le buteur Christophe Lamaison est à 100%. Le ballon s’élève dans le ciel… et retombe avant les perches. Mais les anglais veulent faire durer le plaisir. Au lieu de dégager directement le ballon en touche et mettre un terme à la partie, ils décident de faire entrer le cuir dans leur en-but juste avant. Mêlée à 5 mètres, introduction Brive. Sah.

Après plusieurs phases de jeu à quelques mètres de l’en-but de Bath, le demi de mêlée Philippe Carbonneau adresse le ballon sur son ouvreur Lissandro Arbizu. L’argentin se prépare à taper un drop. Tout le stade retient son souffle. Mais n’est pas Maradona qui veut. Une merveille de dévissé du tibia qui passe à droite des perches. Et finit en ballon mort. Victoire 19-18 de Bath. Après le sacre du Stade Toulousain en 1996 et celui de Brive en 1997, Bath brise enfin l’hégémonie française. Le capitaine briviste résume magnifiquement bien cette rencontre.

« L’un gagne, l’autre perd, c’est le sport » P. Carbonneau

Président du CAB, Patrick Sébastien nous en apprend lui une belle.

« Si la dernière pénalité était passée, on aurait gagné » P. Sébastien

Si vous pensez que le CAB avait subi son quota de désillusion en l’espace de trois ans, vous faites fausse route. La saison suivante, les brivistes atteignent les demi-finales de la petite Coupe d’Europe. Mais l’immense CS Bourgoin-Jallieu s’impose 26-23.

Une performance rééditée en 2005 et 2012 à ce stade de la compétition.

Tom