GP du Portugal | Grosjean, la première course du reste de sa vie


Ce dimanche vous a peut-être paru un peu fade à Portimao. Et pourtant, il ne faut jamais banaliser l’exceptionnel : Romain Grosjean, pour sa première course en tant que futur ex-pilote de F1 (notre coeur saigne toujours autant), a réussi un Grand Prix impeccable. Mention spéciale, également, au cousin Lance Stroll et à Kimi Räikkönen qui nous a fait une belle frayeur.

Essais libres et qualifications

Le retour de la bonne F1 comme on l’aime, qu’on a craint perdre un temps. Celle où tout se passe le vendredi et le samedi. Et où, surtout, on peut enfin refaire la sieste le dimanche après-midi. D’abord Pierre Gasly qui retrouve littéralement la flamme lors des libres 2. Puis Daniel Ricciardo qui sort un récital le lendemain : déjà qualifié en Q3, l’Australien pousse sa Renault jusqu’au tête-à-queue dans un ultime effort en fin de Q2. Léchant le rail juste ce qu’il faut, il ne peut reprendre en Q3.

« J’ai perdu la voiture au même endroit, l’arrière est assez léger, on a eu ce problème ce week-end », réagit quasiment en direct Esteban Ocon, fier du remarquable travail d’équipe pour une des dernières courses de Renault (avant de devenir Alpine l’an prochain).

La course

Kimi Räikkönen a vécu un inhabituel cauchemar au départ. Normalement si régulier avec son Alfa Romeo, il dégaine dix peaux de banane et gagne autant de places, se retrouvant sixième. « Iceman » parviendra tout de même, au final, à éviter les points en terminant 11e. Mais les deux vrais héros du jour étaient ailleurs : signalons d’abord l’excellent week-end de Lance Stroll, notre cousin montréalais. On voudrait d’ailleurs parler à son père, comme disait Céline…

Ne comprenant toujours pas réellement ce qu’il fiche dans une Formule 1, le fiston accomplit d’abord l’exploit de s’accrocher avec Max Verstappen en essais libres. Victimisé comme il se doit par la terreur de Hollande, le pauvre Canadien réussit un dimanche de légende.

Stroll, salut le cousin

Au 18e tour, premier accrochage difficilement compréhensible avec Lando Norris qui lui vaudra une première pénalité. Et le doublé au 31e tour, nouvelle pénalité pour drapeau noir et blanc après quatre passages trop loin des limites de la piste. Malgré tous les rappels à l’ordre, quel bel acte de résistance ! Et enfin le triplé au 54e tour, le coup du chapeau : l’abandon, en bonne et due forme. Une « esti » de belle course, comme on dit chez lui.

Franck Montagny craque : « Je commence à en avoir marre de ce garçon, tout est nonchalant. Un jour, ça se finira mal derrière le paddock avec certains pilotes. » Néanmoins, tous les efforts du jeune Québécois devront se répéter, année après année, pour arriver ne serait-ce qu’à la cheville de notre Romain Grosjean national. Pour le premier Grand Prix du reste de sa vie, après l’annonce déchirante de son départ de la maison mère Haas, le Français a su ne pas se laisser déborder par l’émotion et réussir une énième course de haute volée.

Pour qu’on l’aime encore

Joliment englué en fin de peloton, il parvient encore à aller chercher le détail qui fait la différence, le petit truc en plus : drapeau noir et blanc pour lui aussi, au 42e tour, également pour avoir dépassé trop souvent les limites de la piste. Une conclusion splendide à un week-end particulièrement émouvant, où Grosjean aura eu plusieurs paroles d’évangile pour commenter son départ.

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On retiendra avant tout celle-là, comme une évidence : « J’aurais aimé être champion du monde, mais on ne décide pas toujours. Je suis fier de ce que je fais. Est-ce que c’est ma dernière année en F1 ? Il ne faut jamais dire jamais, un miracle peut arriver. Avec une nouvelle réglementation, peut-être que mon retour technique et mon expérience seront les bienvenus. » Qui peut en douter ?

D’un professionnalisme toujours à toute épreuve, lui qui a découvert le circuit portugais sur jeu vidéo, son analyse d’après-course est encore concise et surtout très précise : « Le premier tour était rigolo, il s’est mis à pleuvoir et ça glissait dans tous les sens. Ensuite, je n’ai pas pu doubler. J’avais bien plus de rythme, mais c’était impossible. » Si Sergio Pérez a tenté de faire vivre la fin de course à l’ancienne, en titillant Ocon puis en étant à deux doigts d’envoyer Pierre Gasly dans le mur – au lieu de quoi le Français terminera à une décevante cinquième place, encore -, nos yeux ont eu du mal à se détourner du dieu Grosjean.

Certes Lewis Hamilton, dans son canapé en allant battre le record historique de victoires de « Schumi », s’est foutu éperdument du monde à dix tours de la fin : « J’ai une crampe. » Oui, Sebastian Vettel est allé chercher un point. Mais non, Grosjean s’invente roi pour qu’on le retienne. Pour qu’on l’aime encore.