Si la première semaine de notre Tour de France avait été cruelle sur les pavés du Nord, nous avons repris une bonne bouffée d’air frais dans la deuxième. Deux victoires d’étapes à Lausanne et Chatel. Des difficultés en haute montagne, certes, mais une 4e place au général derrière les deux Slovènes et Vlasov. Il n’y aura donc qu’un objectif pour les Pyrénées: virer Vlasov du podium pour faire mieux que l’année passée.
Dès le début, on se fait mettre à la Mende.
Le sprint final commence en Lozère, au sommet de la montée de la Croix Neuve aka la montée Laurent Jalabert (quel mauvais souvenir). Mais dans notre quête de jouer le podium coûte que coûte, on se Pogacarise un peu. Des attaques inutiles pour au final finir claquer sur la fin, voir Vlasov nous dépasser et perdre à nouveau de précieuses secondes. La stratégie doit rapidement être revue.
Autant vous le dire. Une fois rentré dans le bus de l’équipe, on a pris une bonne soufflante de Marc Madiot. C’est quoi cette attaque à la petite semaine digne d’un critérium de village ? On est ici pour faire un podium du Tour. Alors, le Carcassonne-Foix, on l’a bien coché, et on va faire en sorte que les choses soient bien faites.
On se cale bien dans les roues toute l’étape, et on attaque les parties bien raides du mur de Péguère, accompagné d’un certain Alaphilix (certainement un cousin d’Alain Philippe). L’objectif est clair, net, précis. Pardonnez le vocabulaire, mais il faut que Vlasov pète, quitte à bluffer comme il faut. Des petites attaques casse-pattes, et une fatale à 1km du sommet. Vlasov a lâché. Dans notre sillage, les 2 Slovènes bien évidemment, mais on ne fait pas le même tour. On passe le col avec 1 minute d’avance sur le cycliste de la Bora.
Autre problème, il faut maintenant descendre 25 kilomètres vers l’arrivée. Hors de question de perdre la moindre seconde. Nous jouons le général, les 2 Slovènes l’étape. Autant vous dire qu’on peut se brosser pour attendre le moindre relais de ses 2 feignasses, c’est à nous d’imprimer le tempo, au bord de la rupture. C’est donc sans surprise qu’on se fait fumer au sprint à Foix. Mais une minute de reprise sur Vlasov, c’est loin d’être un luxe. Surtout qu’on a maintenant compris qu’il est prenable.
La vie se joue parfois à quelques secondes
Alors, autant vous le dire, on est concentré comme jamais. On a fermé la porte de la chambre et mis le mode avion pour cette étape Saint-Gaudens – Peyragudes. Ça tombe bien, ça finit dans un altiport. Altiport où s’est tournée une scène de Demain ne meurt jamais. Autant vous dire qu’on est dans un film d’action nous aussi. Et le premier cliffhanger, c’est de voir lâcher Vlasov bien plus tôt qu’on ne pouvait l’imaginer : au début de l’ascension du Col de Val Louron-Azet.
Ni une, ni deux, on observe bien qu’un écart est en train de se créer pour faire rouler le petit prince de Bretagne David Gaudu comme un dératé. Il nous reste la blinde de force, l’objectif est ici d’abattre les espoirs de l’ennemi. De faire en sorte qu’on ne soit même plus un petit point à l’horizon. Et ça fonctionne, les minutes défilent. Bon petit souci, il reste quand même un altiport à gravir et il pique bien les cuissots.
Les secondes entre nous et lui s’allongent, passent à la minute. Problème, on lâche pas mal d’énergie, mais qu’importe. On ne joue ici pas la gagne, on est en mode contre-la-montre. Ce qui, après coup, est potentiellement une idée moisie. On se fait lâcher par le groupe Maillot Jaune rapidement dans la montée finale pour exploser (comme tout le monde) dans les derniers hectomètres. Une magnifique défaillance des familles que l’on vous propose de revivre ci-dessous.
L’arrivée est lactique. En PLS sur les bas-côtés de l’altiport, on entend au loin Alexandre Pasteur lancer le chrono. De notre côté, on dégomme le soda pour se ressourcer avant d’attendre le fatidique résultat. Et il sera exceptionnel. Pour 3 petites secondes, on monte sur le podium. La France est en transe.
Mais il va sans dire que se reposer sur ses lauriers serait une probable idée foireuse. Hautacam nous attend dès le lendemain, et il y a un contre-la-montre le samedi. Autant vous le dire, chaque nouvelle seconde engrangée sera une victoire.
Et c’est exactement l’inverse qui va se produire dans l’ascension du Col de Spandelles. On se doute bien qu’Alexandr va tenter quelque chose. Une belle attaque tranchante, on se dit donc qu’on va gentiment prendre la roue de Tadej pour revenir facilement sans dépenser trop d’effort. Quelle erreur de débutant. Ajoutez à cela que votre dévoué rédacteur effectue ses descentes comme un Zakarine, on est en chasse-patate entre le groupe Vlasov et le groupe maillot jaune.
Dans l’impossibilité d’aller chercher le Russe, il faut se résoudre à laisser revenir le groupe maillot jaune et vert.
Ah oui, Roglic est en vert au fait. C’est donc ça qu’on appelle le multivers.
Mais la dernière montée sera épique. Autant vous le dire, on l’a effectué avec la musique de Gladiator dans les oreilles.
Tracté par Landa puis par une impulsion de Pogacar, on revient sur le groupe Vlasov. Et maintenant coco, plus question de lui lâcher la chique. Pogacar s’enfuit tout seul, Roglic prend le train pour revenir. Le rythme est donc intense, on sait probablement tous qu’on va craquer à un moment donné. Le seul objectif est de le faire après Vlasov.
A 2 kilomètres de l’arrivée, on pense que c’est la fin. Il ne nous reste que de l’énergie rouge. Celle du courage. Mais c’est pile à ce moment qu’Alexandr titube, zigzague. IL EST CRAMÉ. Pas le moment de flancher, on s’envoie dans la roue de Landa, on prend le reste de gel énergétique et on y va au courage. Les dents serrées, on reprend 16 secondes à Vlasov au sommet. Un capital énorme et si faible à la fois pour le contre la montre du surlendemain.
Le contre-la-montre le plus important d’une vie
Le silence est de plomb avant le départ. Pas question de se foirer. Pas question de faire encore une fois une 4e place. On visse le casque avec plus de vigueur que celui de Roglic, et c’est parti.
Un CLM assez plat, au final. Dans l’oreillette, on me dit d’en garder pour la fin, alors quand je suis large devant au premier intermédiaire on se met à douter. En a-t-on trop mis ? Va-t-on vivre une fringale des familles ? L’univers est-il infini ? Des milliers de questions qui trottent en tête. Une arrivée un peu bizarre, avec plein de mecs au milieu de la route, dont évidemment un gars avec son drapeau breton que je manque presque de toucher. Il a dû me confondre avec Gaudu. La fin est frustrante, il nous en restait dans les jambes. Reste maintenant à savoir le résultat de Vlasov.
Pour 5 secondes. Pour 5 petites secondes, ça passe. Plus de 76 heures sur la selle et tout se joue pour 5 secondes. Laurent Fignon est vengé.
Et qui dit Fignon dit bien évidemment les Champs-Élysées. Et cette année, pas de sprint massif, non. Une échappée qui fait la chique aux sprinters avec Luis Leon Sanchez qui s’impose devant Simmons et Barguil. Parce que pourquoi pas.
Une 3e place à la fois inespérée et bien méritée derrière Pogacar et Roglic. Primoz qui fait maillot vert (lol) et Esteban Chaves, qui n’était pas dans le vrai tour cette année, finit avec le maillot à pois.
Et un bilan d’équipe tout aussi solide. Rendez-vous l’année prochaine !