Que seraient les losers sans les winners ? Derrière les plus belles épopées se cachent toujours de magnifiques perdants, tous plus ridicules les uns que les autres. L’aventure de Calais en Coupe de France, en 2000, est restée une référence dans toutes les mémoires. Quevilly ou Les Herbiers ont beau avoir eux aussi atteint la finale ces dernières années, c’était des clubs de troisième division (National) et non de quatrième (CFA) comme le CRUFC. La vague Mondial 98 bien fraîche, on était encore dans l’amateurisme le plus complet. D’où les performances d’autant plus exceptionnelles de Strasbourg et évidemment Bordeaux.
Après avoir déjà éliminé deux clubs de D2 aux tirs au but, Lille en 32e et Cannes en huitièmes, c’est donc le Strasbourg de Habib Beye, Peguy Luyindula et Teddy Bertin, entraîné alors par Claude Le Roy, qui se présente d’abord en quarts, le 18 mars. Le club de D1 crée la surprise en ouvrant le score par Olivier Echouafni, son premier but en Coupe de France, mais la logique est ensuite respectée avec deux buts de Hogard et Merlen en fin de première période. Et puis, le 12 avril, c’est le monument bordelais en demi-finales : les Girondins, champions de France en titre, n’arrivent pas à marquer lors des 90 premières minutes.
En prolongation, les Emmanuel Vasseur, Mickaël Gérard et Grégory Deswarte, poussés par un Bollaert en fusion, marchent sur les Christophe Dugarry, Johan Micoud et Lilian Laslandes, tous au summum. Pourtant ce dernier égalise à 1-1 à la 108e minute, faisant craindre la victoire au forceps. Mais Mathieu Millien (113e), assisté par un Kodjo Afanou des grands soirs, et Mickaël Gérard (119e) étaient là pour l’histoire. C’est un des plus grands exploits de la Coupe de France, une des plus grandes humiliations aussi. Le sport et surtout les Girondins qu’on aime ! Jamais Elie Baup n’aura aussi remarquablement porté la casquette.
Bordeaux ne nous avait pas mis de pression particulière, nous avions eu le temps de jouer.
Une lose aussi puissante, ça n’arrive pas par hasard, comme le révèle l’historique capitaine calaisien Réginald Becque dans une interview en 2017 (pour Footdavant.fr). « Après le match, je me souviens que le président des Girondins, Jean-Louis Triaud, avait dû aller dans le vestiaire pour demander à ses joueurs d’échanger leurs maillots. Peut-être qu’ils n’avaient rien à faire du maillot de Calais, tout simplement… » Lucide, Réginald (cette fois pour Le Monde). La seule préoccupation à Bordeaux, et elle était d’importance, c’était que Sylvain Wiltord ait zappé pour aller voir un concert à Marseille.
Heureusement, tout est bien qui finit toujours bien : dans la lose, bien sûr. Calais perd en finale au Stade de France, contre Nantes, à la dernière minute sur un penalty plus que litigieux. Mickaël Landreau fait aussi soulever la coupe à Becque. En 2006, Calais sera à nouveau battu par les Canaris, cette fois en quarts (0-1), après des victoires contre Troyes (Ligue 1, 3-2 en prolongation) en 32e et Brest (L2, 1-0) en huitièmes. Le 28 septembre 2017, le club est liquidé financièrement. Mais le CRUFC ne disparaîtra jamais de la FFL. Pour nous avoir fait connaître Ladislas Lozano, déjà. Et pour avoir lancé Bordeaux vers un 21e siècle brillant (hormis un petit écart en 2009). Merci Calais !
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