GP Monaco 1984 | Prost ou le panache du vice-champion du monde


Avant de devenir quadruple champion du monde et ennemi public n°1 de notre fédé, Alain Prost avait un passif beaucoup plus français. Du temps où il ne reniait pas encore ses origines sur la piste. Si la saison 1983 a eu son lot de désillusions, celle de 1984 restera à jamais gravée dans l’histoire de la Formule 1. Si on devait paraphraser une citation du livre du même nom de George Orwell, on pourrait, sans difficulté, affirmer que « toutes les nationalités sont égales devant la victoire, mais il y a des nationalités plus égales que d’autres ».

Lors de la saison 1983, Alain Prost se révèle au grand jour. À bord de sa Renault, le Ligérien se démène comme un beau diable. À tel point que côté tricolore, on commence à espérer à un premier titre mondial. Son mano a mano avec Nelson Piquet est de toute beauté, et le moment de vérité a lieu lors du dernier Grand Prix de la saison, en Afrique du Sud. Prost compte 2 points d’avance sur Piquet avant la course. Tandis que le Brésilien termine 3e, le Français subit un abandon. Histoire de boucler l’année de la plus belle des manières. Ah l’espoir, toujours aussi cruel. Prost perd donc le titre pour deux petits points. Le moment le plus difficile de sa carrière pense-t-il.

Frustré par le manque d’investissement de Renault, Prost décide de partir chez McLaren. S’il se jure de ne plus jamais connaître pareille désillusion, la saison suivante va s’assurer de n’exaucer aucun de ses vœux.

Le résumé humide du Grand Prix de Monaco

Lors de la sixième manche du Championnat 1984, la F1 fait escale à Monaco. Au volant de sa McLaren, Prost est en tête du classement avec six points d’avance sur son coéquipier, Niki Lauda. Très vite, le Professeur montre qu’il est le plus à l’aise dans les rues monégasques. Alors lorsque les qualifications pointent le bout de leur nez, le Ligérien plante logiquement le meilleur temps. Une pole position qu’il ne doit que pour 9 petits centièmes de seconde sur Nigel Mansell. Décidément toute cette histoire n’est l’affaire que de petits rien du tout.

Dimanche 3 juin 1984. Dès les premières heures de la matinée, des trombes d’eau s’abattent sur le Rocher. Le circuit ressemble davantage à un parcours de canoë-kayak qu’une course de Formule 1. Toutefois les monoplaces prennent tout de même le départ. Prost n’est pas hyper à l’aise sous ces conditions, et Mansell claxonne derrière. L’Anglais parvient enfin à doubler le Français au 11e tour, et lui colle 2 secondes par boucle. Alors que le bon vieux Nigel poursuit un rythme effréné sur un Prost à l’agonie, le Britannique réalise deux tête-à-queue en l’espace de quelques virages seulement. L’abandon le plus stupide quand on connaît son avance sur Prost.

Le Professeur ne se fait pas prier, et récupère la tête de la course. Au 21e tour, Prost devance Senna de 33 secondes. Soit près d’une moitié de circuit d’avance. La victoire lui semble promise. Mais le Brésilien reprend une seconde par tour. Puis trois. Puis sept ! En l’espace de 10 tours seulement, Senna a repris 30 secondes sur Prost. Tandis que le sud-américain est désormais dans le pot d’échappement de la McLaren, le directeur de course Jacky Ickx décide d’arrêter l’épreuve en sortant le drapeau rouge.

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Senna premier à franchir la ligne mais Prost vainqueur

Prost gare gentiment sa monoplace sur la ligne de départ comme le veut le règlement. Mais Senna, qui était en train d’effectuer une remontée folle, choisit de poursuivre la course. Et coupe en premier la ligne d’arrivée. Stupeur dans les paddocks. Senna pense avoir remporté cette course titanesque. Mais le classement est figé au moment de la sortie des drapeaux rouges. Malheureusement il ne s’agira pas de la défaite la plus FFL de l’histoire du sport automobile. Senna finit donc deuxième à 7 secondes. La rage. Prost est le grand vainqueur de cette journée.

« La décision d’arrêter la course est donc avantageuse pour moi, comment ne pourrais-je pas la qualifier de sage ? » A. Prost

Du moins c’est ce qu’il pense. Car cette affaire n’est même pas la plus exceptionnelle du week-end. Encore une fois, le règlement de la FIA abrite des secrets bien cachés. Selon ce dernier, si une course est interrompue avant que 75% des tours prévus aient été effectués, alors la moitié des points est octroyée aux pilotes. De ce fait, au lieu d’empocher les 9 points de la victoire, Prost en hérite que 4,5. Un détail pour vous. Mais cette décision va bouleverser des vies. Ou du moins une seule. Et inutile de vous préciser sa nationalité.

Un demi-point pour l’éternité

En partant de Monaco, Prost possède désormais 10,5 points d’avance sur son coéquipier, Niki Lauda. Mais la seconde partie de saison de l’Autrichien est juste divine. Lors des sept dernières courses, Lauda signe six podiums, dont trois victoires. Un rythme auquel a du mal à suivre Prost, vainqueur de quatre Grands Prix durant cette période mais coupable de trois abandons.

Malgré sa victoire lors de l’ultime course de la saison au Portugal, Prost échoue une seconde année consécutive à devenir champion du monde. Et cette fois-ci, ce ne sont pas 2 points qui le séparent du sacre. Ni même 1. Mais 0,5. Soit le plus petit écart de l’histoire de la Formule 1. Vous comprenez désormais l’importance de la décision du Grand Prix de Monaco ? Alors si on vous dit en plus que Jacky Ickx est Belge, c’est un seum légendaire qui s’emparera des fans du Professeur. Malgré ses 7 victoires dans la saison, contre 5 pour Lauda, Prost s’incline d’une boule de gomme.

Quand l’élève dépasse le Professeur…

Tom