GP Australie 1995 | Alesi, un petit abandon et puis s’en va


Lorsqu’on vous dit Jean Alesi en 1995, vous pensez directement à sa victoire au Canada. D’un côté, cette année-là pourrait ressembler à l’apogée de sa carrière. Mais à y regarder de plus près, l’exercice 1995 a surtout été le théâtre de loses plus raffinées et subtiles les unes que les autres. En septembre, un roulement de roue prend feu et lui enlève sa victoire sur le tracé de Monza. En octobre, c’est une casse moteur qui l’empêche de se battre pour la victoire au Japon. Jamais deux sans trois, vous l’aurez compris. En novembre, pour sa dernière course avec Ferrari, Jean Alesi va nous sortir un énième coup de son chapeau en Australie.

Et dire arrivederci avec la manière à la Scuderia.

À lire aussi :   Formule 1 1996 | Jean Alesi à Monza, une lose al dente

En ce 12 novembre 1995, Jean Alesi dispute sa dernière course au volant d’une Ferrari. Cinq saisons passées à préserver sa virginité loin des victoires. Hormis ce terrible 11 juin 1995 et ce dérapage sur le tracé canadien. Cinq saisons passées à véhiculer de l’espoir chez les tifosi, à signer des presqu’victoires tonitruantes. Mais avant tout, cinq saisons à faire vibrer notre fédération qui n’existait pourtant pas encore. Mais dont l’esprit était bien présent chez certains futurs licenciés.

Au total, le chapitre Ferrari représente 79 Grands Prix dans la carrière de Jean Alesi. Outre sa victoire, notre attention se tourne très vite sur un autre chiffre, malheureusement trop méconnu du grand public : 42. Jean Alesi a abandonné à 42 reprises sur les 79 courses disputées avec le cheval cabré. Pas besoin d’avoir fait Maths Sup’ pour s’apercevoir qu’il n’a pas vu le drapeau à damiers plus d’une course sur deux. 53% pour ceux qui ont réellement fait Maths Sup’.

À lire aussi :   Formule 1 | C’était un 25 août… La quasi victoire de Jean Alesi

Plan à 3 pour la troisième place

L’Avignonnais reste sur une déconvenue de taille. Deux semaines auparavant, sur le tracé de Suzuka, Alesi pensait disputer la victoire à Michael Schumacher avant que son moteur ne vienne le remettre sur le droit chemin. Un problème technique qui vient anéantir ses dernières chances de remporter une nouvelle victoire avec Ferrari pense-t-on. Mais le Français est un vaillant, n’ayons pas peur des mots. Et dès la fin de la course, il déclare : “Je persiste à vouloir remporter une autre victoire avant de quitter Ferrari“. Il lui reste alors une ultime chance. En Australie. One Chance. One Opportunity.

À lire aussi :   GP Japon 1995 | Alesi, la lose nippone

La dernière course de la saison ne dégage que peu d’enjeux. Si Schumacher est déjà mathématiquement Weltmeister pour la deuxième fois consécutive, son écurie Benetton Renault est elle aussi sacrée championne du monde des constructeurs. Toutefois, la troisième place du classement offre une bataille féroce entre trois pilotes. Coulthard, Herbert et Alesi se tiennent en sept points. Le Français est donc dans l’obligation de terminer devant ses rivaux pour finir la saison sur le podium. Mais des paroles aux actes, nous allons nous apercevoir qu’il y a le gouffre de Helm.

Alesi, parfait jusqu’à la moitié du premier tour

Le week-end australien débute de façon assez routinière pour le pilote Ferrari. Deux pannes électriques le vendredi, histoire de vite se remettre dans le bain. Mais toujours guidé par son envie de remporter une dernière course avec les hommes en rouge, Alesi parvient tout de même à signer le cinquième chrono en qualifications. Rapide, le bougre.

S’il y a bien une qualité qu’on ne peut pas enlever à Alesi, c’est sa réactivité au départ. La frontière est parfois mince avec le départ volé, mais cela fait partie du panache dirons-nous. Une fois encore, il prend l’avantage sur son voisin de grille ; en l’occurrence ici Schumacher. Si les deux pilotes échangeront leur baquet la saison suivante, leur chassé-croisé ne fait que commencer sur la piste. Tandis que le premier tour n’est pas encore bouclé, l’Allemand reprend le gain de la quatrième place en dépassant Alesi. Reculer pour mieux sauter.

Les deux as du volant ne s’apprécient pas des masses. À l’issue du Grand Prix précédent au Japon, Schumi avait asséné une petite claque verbale à son homologue français : « Alesi a vraiment exercé une grosse pression sur moi, mais dès que la piste a séché, nos relations ont repris leur cours normal ». Le futur septuple champion du monde n’aurait jamais dû ironiser de la sorte. Car quand on provoque un pilote français, on ne voit que très rarement le drapeau à damiers lors de la course suivante…

À lire aussi :   GP Autriche 2000 | Un dépassement d'Alesi, deux Prost au tapis

Alesi – Schumi, la nouvelle love story

Le karma arrive au quart de la course. Au 22e tour, Schumacher s’arrête aux stands pour ravitailler. Et ressort juste derrière Alesi. L’erreur à ne surtout pas commettre. Lors du tour suivant, le pilote Benetton prend l’aspiration sur la Ferrari au même endroit qu’en début de course. Schumacher plonge à l’intérieur, mais c’était méconnaitre Jean qui lui arrache l’arrière gauche de la voiture. Alesi repasse fièrement devant lui, et prend même le temps de zigzaguer pour éviter tout nouveau dépassement. Jean d’Avignon, plein de panache, retrouve ici ses lettres de noblesse.

 

Alesi abandonne dès le tour suivant. Son 42e et dernier retrait avant l’arrivée avec la Scuderia. Une page du sport se tourne indéniablement. Mais sans rancune. Voyant que la troisième place au classement était hors d’atteinte, la mission bis a elle été accomplie avec succès. Quant à Schumi, il retourne aux stands pour faire vérifier sa voiture, et reste immobilisé une trentaine de secondes. Le pilote allemand ne s’en relèvera pas, et abandonnera lui aussi deux tours plus tard.

À lire aussi :   GP Australie 1997 | Le coup de la panne de Jean Alesi

Après la course, la nouvelle victime du Français ne décolère toujours pas : « Un accrochage idiot ! Alesi était vexé de se faire doubler à nouveau. Alors il a essayé de me rendre la pareille à l’extérieur, où il n’y avait pas de place ».

Le mot de la fin revient à l’Allemand.

« Dès qu’il baisse sa visière, il y a quelque chose qui se débranche dans son cerveau… » M. Schumacher

Assez cocasse, quand avec le recul, on voit ce qu’il a fait à Jerez 2 ans plus tard.

À lire aussi :   GP Monaco 1996 | Jean Alesi, la lumière d'un Grand Prix de l'enfer