1961 : un mur se construit à Berlin, un autre s’effondre dans l’Aube. Celui de la défense troyenne. Cette saison-là, béni par les dieux de la lose, Troyes réalise un parcours d’anthologie avec 4 nouveaux records établis. Trois tiennent encore de nos jours.
À l’époque, l’ESTAC n’existe pas encore. L’équipe professionnelle de Troyes porte le doux nom d’Association Sportive Troyenne et Savinienne (ASTS). Durant les années 50, l’ASTS commence à poser les bases de son institution avec une spécialité locale : l’ascenseur entre 1re et 2e division (comme quoi, le club a gardé de bons restes, même au 21e siècle).
En 1960, le club arrive en D1 pour un traditionnel passage éclair d’une saison. Les Troyens savent qu’ils n’ont que peu de temps pour marquer l’histoire du club. À l’issue de l’exercice, ils ne s’en doutent pas encore mais ils marqueront l’histoire du sport français. L’art de faire vite et bien.
Une saison référence pour Troyes
Spoiler : Troyes terminera dernier du championnat mais ça, c’était presque une formalité. C’est surtout la ligne de stats laissée par les Troyens qui laisse rêveur. Commençons doucement par le nombre de victoires : 5 en 38 matches. Dont deux consécutives aux 7e et 8e journée, contre le Havre (4-3) puis Nancy (2-1). Incident de parcours heureusement sans gravité.
Mais le plus marquant, c’est qu’en une seule saison, Troyes est parvenu à écrire plusieurs séries. Messieurs les scénaristes, chapeau ! La première, entre la 15e et la 33e journée : 18 épisodes avec aucune victoire à la clé. 6 mois de disette ! À ce niveau, ce n’est plus un passage à vide, ce sont les Champs-Elysées du néant.
La seconde, certes plus courte mais de qualité supérieure : une mini-série de 7 épisodes (entre la 21e et la 27e journée), tous consacrés à la défaite. On vous conseille chaudement les épisodes 4, 5 et 6 : Monaco (5-0), Saint-Etienne (7-1) et Sedan (7-3). Des chefs d’œuvre ! Si Hollywood s’était intéressé à la D1, c’était Golden Globe assuré pour l’ASTS.
Le Bureau des records légendaires
L’épilogue de la saison passera un peu plus inaperçu mais les chiffres restent impressionnants. Pas moins de 4 records tombés dans l’escarcelle auboise. Dont 3 tiennent encore de nos jours. Record n°1 : les Troyens étaient officiellement relégués au terme de la 32e journée (un record qu’Arles-Avignon a battu depuis, relégué après 31 journées en 2011).
Record n°2 : 28 défaites en 38 matches ! Eh oui, quand on aime, on ne compte pas… Record n°3 : 108 buts concédés et une moyenne qui frôle les 3 buts encaissés par match. Même avec toutes les nouvelles technologies de nos jours, on ne fait pas mieux. Exploit !
Dernier record : 15 minuscules petits points inscrits (Brest l’a égalé en 1980). On veut bien entendre qu’une victoire ne valait que 2 points à l’époque mais à défaut d’apprécier, merci de ne pas gâcher notre plaisir.
Après cette saison, Troyes continuera les aller-retours entre 1re et 2e division et changera de nom un peu comme on change de chemise. Passant de l’ASTS à TOS (Troyes Omni Sports, 1967) puis TAF (Troyes Aube Football,1970) et ATAC (Association Troyes Aube Champagne, 1986). En 2000, l’ATAC sera contrainte de changer d’appellation pour une sombre histoire de… supermarchés (oui oui). Pour aboutir à la naissance de l’ESTAC, qui sera lui aussi un digne héritier de la tradition de l’ascenseur.