Angleterre (1888) | Cox, un monument piétiné


Cox FFL

Il y a 132 ans, l’histoire du sport et même de l’humanité vivait un jour de grâce. En tout cas, on l’a longtemps pensé… Le 8 septembre 1888, on jouait ainsi la première journée de la première compétition officielle et professionnelle de football : le championnat d’Angleterre.

Pour essayer de dater le ballon rond en tant que tel, il faut remonter 25 ans plus tôt, avec la création de la FA (Fédération anglaise). Une sorte de franc-maçonnerie du ballon rond. Et sa fameuse Cup qui, plus d’un siècle après, sauverait encore trop souvent Arsène Wenger… Mais là, en 1888, c’était du pro, du vrai. Avec des transferts records à 222 livres, sans les millions. Et des tactiques en 2-3-5, la feuille de match faisant foi. La rencontre opposait deux futurs abonnés au ventre mou de Championship : Aston Villa et Wolverhampton (c’est vrai, les Wolves accusent un sérieux coup de moins bien ces dernières années, mais gageons qu’il ne s’agira que d’une péripétie dans leur histoire).

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi le football pro avait pris la place de sport n°1 ? Après tout, pourquoi lui et pas un autre ? Tout simplement parce que le récit de sa naissance est entré dans la légende. En effet, son premier but officiel est l’œuvre de Gershom Cox pour Aston Villa. Oàu plutôt pour Wolverhampton. Oui, car le premier but du football professionnel est un CSC des familles. D’autant plus savoureux que c’est le président d’Aston Villa qui, s’appuyant sur le développement du réseau ferroviaire, est l’instigateur de ce nouveau championnat.

Tel Jésus marchant sur l’eau, Jeanne d’Arc entendant les voix, René Coty guidant la France ou George Bush avalant son bretzel, Gershom Cox a donc reçu la lumière et la diffuse autour de lui. La FFL apprécie le clin d’œil. Et puis, 125 ans plus tard, tout s’écroule. En 2013, Mark Metcalf, prétendu historien, décide ainsi de réécrire les faits.

Pourquoi pas la main de Dieu qui deviendrait un pied !

Un jour, comme une envie de faire « pee pee », monsieur se dit que ce match du dimanche n’a pas pu commencer à 15h. Pour lui, les supporters d’Aston Villa travaillaient le matin et n’auraient pas pu se rendre à temps au stade de Wolverhampton, distant de 20 kilomètres. Sauf que Metcalf n’arrive pas à vérifier son idée… C’est Robert Boylinga qui se charge alors de jouer le minable rôle de Brutus assassinant le père. Ce bibliothécaire, en guerre ouverte avec la FAL (Fédération anglaise de la lose), va parvenir à ses fins. En retrouvant l’édition du Midland Evening News du 7 septembre 1888, il constate que le coup d’envoi a effectivement été décalé à 15h30. C’est donc le match entre Bolton et Derby County qui récupérerait, selon cette fumeuse théorie, le premier but de l’histoire du football professionnel. D’un certain Kenny Davenport…

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D’après le traître Boylinga, cette dernière rencontre a beau avoir été repoussée d’un quart d’heure à cause du retard de Derby County, elle aurait démarré à 15h45 (au lieu de 15h30). Kenny Davenport marquant au bout de deux minutes, il prendrait la place du mythe Gershom Cox, finalement buteur à 16h01… Inutile de préciser que la FFL rejette formellement cette version réformiste et farfelue. Qui a fait des dégâts. Notre homologue de la FAL a été dissoute sur-le-champ. Des emplois supprimés, des familles à l’abandon, les valeurs du sport bafouées… Merci Boylinga, et bravo. Comme si on nous apprenait que la « remontada » était truquée. Comme si tous les matches de Toulouse depuis six mois étaient annulés. Pire même, comme si Emil Kostadinov n’était plus bulgare ! Et puisqu’il faut visiblement réhabiliter la Perfide Albion, pourquoi pas la main de Dieu qui deviendrait un pied, tant qu’on y est !

La FAL se reconstruit lentement mais sûrement

Le 8 septembre 2013 fait honte au 8 septembre 1888. Qui, néanmoins, restera gravé à tout jamais. Le football, fort heureusement, a pu se baser sur ce fait d’exception pour construire son histoire. Metcalf et Boylinga se sont pris pour Starsky et Hutch, on les voit plutôt en vulgaires Minus et Cortex. Depuis, la FAL se reconstruit lentement mais sûrement. Aidée par des performances de haut vol, comme celles de Manchester City contre Lyon. Quoi qu’il en soit, Gershon Cox restera à tout jamais le premier buteur contre son camp de l’histoire du football professionnel. Et ça, aucun chercheur ou autre personne mal intentionnée ne pourra jamais l’enlever à ce défenseur de grand devoir. Battu pour la seule finale de sa carrière en 1892 (FA Cup), il n’est pas seulement un monument d’Aston Villa. C’est un monument, point.


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