À jamais les premiers, mais 30 ans plus tard, toujours les derniers


26 mai 1993. Cette date ne signifie pas grand-chose pour des millions de Français, voire même des milliards d’habitants sur la planète. Mais il existe une contrée bercée par le ressac de la Méditerranée qui en a fait son jour de fête nationale. Son an 0. Ce peuple est plus connu sous le nom de Marseillais. Depuis 600 av. J.-C., date de sa fondation, il lui a fallu attendre 2 593 ans pour connaître la Gloire. Son 8 mai 1945 à lui. Oubliez l’anecdotique libération de tout un pays ; nous parlons ici de la victoire en Ligue des Champions.

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Un parcours digne de la Ligue Europa Conference

L’Histoire nous impose de replanter le contexte. A l’aube des années 90, l’Olympique de Marseille conserve un goût amer avec l’Europe. Après une demi-finale de C2 perdue en 1988, les Marseillais enchaînent les déconvenues en C1. En effet, ils subissent coup sur coup une demi-finale cauchemardesque contre Benfica en 1990, et la célèbre main de Vata. L’année suivante, c’est une défaite en finale contre l’Etoile Rouge de Belgrade, surnommée la finale « la plus moche » de l’histoire. Puis en 1992, la cicatrice ne se referme pas, bien au contraire. L’OM est éliminé en huitièmes de finale par le Sparta Prague, après s’être pourtant imposé à l’aller.

Bref, jusqu’au 25 mai 1993, la Coupe d’Europe et l’OM, ça fait deux. Mais cette campagne 93′ va très vite se montrer différente. En seizièmes, les Phocéens affrontent l’immense Glentoran Football Club, mastodonte nord-irlandais. Une victoire 8-0 plus tard en double confrontation, c’est cette fois le Dinamo Bucarest qui se dresse sur la route des Marseillais. Et qui s’écarte aussitôt.

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Arrive alors la fameuse phase de groupes. Les huit dernières équipes sont réparties en deux groupes. Les deux premiers de chaque poule sont qualifiés pour la finale. L’OM termine en tête du groupe A, composé des Galsgow Rangers, de Bruges et du CSKA Moscou. Rien que ça. Le Milan AC fait de même dans le groupe B. Deux finalistes sur le papier, certes, mais à la sauce David contre Goliath. Sur ses 6 rencontres du groupe B, les Rossoneri gagnent les 6, marquent 11 buts et en encaissent 1. Ajoutez à cela leurs sacres en C1 en 1989, 1990 puis en 1994 l’année suivante, ainsi que leur statut de double champion d’Italie en titre, et vous obtenez un monstre de l’époque.

Si seulement la logique avait pu être respectée.

26 mai 1993 : un jour nul et non avenu pour la FFL

Nous vous passerons volontairement les détails de cette journée déprimante. Trois décennies plus tard, on a toujours le cœur gros. Vous nous arracherez seulement que Basile Boli a marqué un but de la tête à la 44e minute d’un match à la suite d’un corner qui n’existait pas. Et que ce coup de boule a fait verser des flots de larmes sur toute la Canebière. Nous nous arrêtons là, le chagrin se fait déjà ressentir.

La suite ? Une nuit interminable pour les amoureux de la défaite tricolore, celle qui a pourtant brillé six mois plus tard sur une volée de Kostadinov. Mais en cette fin de mois de mai 1993, c’est la douleur qui est dans toutes nos têtes. Comment un club français a-t-il pu nous trahir à ce point ? Par le passé, Reims par deux fois, Saint-Etienne et l’OM avaient pris soin de s’écrouler en finale de la C1. Mais en 1993, le logiciel a planté. Les valeurs franco-françaises ont atteint un point de non-retour. Aucune excuse ne peut justifier un tel acte, un tel affront pour l’histoire du sport français.

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Un mois auparavant déjà, Limoges nous avait climatisé en finale de la Ligue des champions d’Europe de basket. Cette deuxième lame est indéniablement celle de trop. Il n’y a qu’à voir le retour des joueurs de l’OM à Marseille pour prendre la mesure de l’événement. On frôle l’incident diplomatique entre la FFF et la FFL.

Pour quel héritage ?

Le plus beau cadeau laissé par l’Olympique de Marseille est sans aucun doute son héritage. Depuis 30 ans, le football français ne cesse de se casser les dents sur cette Ligue des Champions. Pour preuve, si on continue de célébrer un titre vieux de 30 ans, c’est bien parce qu’il n’y a plus rien à se mettre sous la dent. Un peu comme les célébrations des 40 ans de Noah vous voyez ? Imaginez-vous le Real Madrid célébrer son titre de C1 de 1998 pour les 25 ans ? Leur principal problème est de trouver une armoire suffisamment grande pour placer leurs 14 trophées. Une problématique que les clubs français ne rencontrent pas.

En 2004, l’AS Monaco avait cru bon d’atteindre la finale, avant de se heurter sur le rocher Mourinho. Et que dire du Paris Saint-Germain, toujours placé, jamais vainqueur. On dirait un coureur français sur le Tour de France depuis le XXIe siècle. Les Parisiens ont tout de même atteint la finale en 2020, avant de voir leur rêve brisé… par un Titi. Kingsley Coman en personne. Ça ne s’invente pas. La C1 est devenue une chasse gardée étrangère, un point c’est tout.

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Une traversée du désert, mais nous n’oublions pas

Mais c’est la Coupe d’Europe dans sa globalité qui est un doux mirage pour les équipes de France et de Navarre. Le son de cloche est le même pour la C3 ; Bordeaux échoue en finale en 1996, rapidement suivi par l’infatigable marseillais, auteur d’un triptyque de folie : 1999 (déroute contre Parme), 2004 (déroute contre Valence) et 2018 (déroute contre l’Atlético Madrid). De quoi soulager notre douleur, mais pas notre mémoire. A chaque fois, l’espoir de soulever à nouveau une Coupe d’Europe, et à chaque fois le même slogan pour se consoler : “A jamais les premiers à avoir gagné la C1“. Seule une C2 parisienne et quelques Coupe Intertoto ont joué le rôle de l’arbre devant cacher une forêt vide de titre.

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Alors les âmes les plus optimistes se disent que ce 26 mai 1993 était peut-être (sûrement) un mal pour un bien. La tempête avant le calme, l’orage avant l’éclaircie, l’abîme avant la lumière, les ténèbres avant le paradis. Bref, vous avez compris l’idée. Puis d’autres, comme nous, estiment qu’il y aura désormais un avant et un après Munich 93. 30 ans, 360 mois ou 10 957 jours. Nommez cette date comme vous le souhaitez, le goût amer est toujours bien présent lui.

Ni oubli, ni pardon.

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Tom