Open d’Australie 2001 | Le craquage franco-français de Grosjean. Sébastien Grosjean.


Janvier 2001. Il y a pile 20 ans, le tennis français réalisait l’un de ses meilleurs tournois de Grand Chelem. Et pourtant, la 89e édition de l’Open d’Australie va être le théâtre d’un craquage monumental. Duel franco-français en demi-finale. Arnaud Clément – Sébastien Grosjean. Si le premier rate son entame, le second foire totalement sa fin de match. Un scénario que seul le sport français de haut niveau peut nous offrir.

L’année 2001 vient tout juste de commencer, et les meilleurs tennismen du monde ont rendez-vous dans la chaleur étouffante australienne pour le premier Grand Chelem de la saison. Si Escudé, Mahut, Di Pasquale, Boutter, Huet, Lisnard, Santoro et Pioline font honneur à l’étendard français en s’inclinant dès la première semaine, ce n’est pas le cas de deux irréductibles gaulois. Sébastien Grosjean et Arnaud Clément.

Publicité

Le premier se hisse jusqu’en demi-finale en ne perdant qu’un seul set. Et pourtant des noms ronflants tels que Ljubicic, Norman ou encore Carlos Moya se dressent sur sa route. Pour Clément, le parcours est bien plus relevé. Mais le résultat est le même. Robredo et le tout jeune Roger Federer passent à la casserole. Quant aux quarts de finale, l’aixois est opposé au numéro 4 mondial et finaliste en titre, le russe Ievgueni Kafelnikov. Une rencontre qu’il remporte finalement en quatre sets et deux tie-breaks. Un premier exploit qui a le don de le rendre complètement dingo : le français enlève son t-shirt, son short et ses chaussettes pour les lancer dans les tribunes.

« C’est l’un des meilleurs matches de ma vie. À tel point qu’à la fin, j’ai complètement craqué » A. Clément

On confirme. En demi-finale, Clément retrouve son compagnon de chambre Grosjean. Et les deux vont nous servir un match de titan sur l’échelle de la lose.

Clément, une entrée en matière parfaitement parfaite

Très vite, la partie devient à sens unique. Grosjean frappe, Clément cavale. La meilleure preuve, c’est que l’aixois change sa tenue trempée dès le deuxième set, quand le marseillais garde lui son t-shirt parfaitement sec. Un sparring-partner idéal pour la finale pense-t-on. Le tableau d’affichage ne fait aucun cadeau à Arnaud Clément : 7-5, 6-2. Deux sets à rien. Ses vacances australes se seraient terminées dans l’heure dans 99% des cas. Oui mais voilà, en face de lui il y a Grosjean, et pas n’importe lequel. Sébastien Grosjean.

Le numéro 16 mondial domine la partie de la tête et des épaules. Dans la troisième manche, Grosjean breake son pote et mène 4 jeux à 2. Service Clément, 0-40 Grosjean. Trois balles de double break. Mais Sébastien nous fait du Grosjean. Et parvient tant bien que mal à garder son compatriote en vie en subissant une remontadita sur sa mise en jeu. La première de la rencontre.

Ce premier coup de massue n’est pas du genre à perturber Grosjean. À 5-3, ce dernier sert pour le gain du match et une place en finale de l’Open d’Australie. Clément efface une nouvelle balle de match, la deuxième. Débreak Clément. Les deux joueurs filent au tie-break. Grosjean entame le jeu décisif de la même manière que Clément est entré dans le match : 4-1, puis 7-4 pour Arnaud. Deux sets à un. C’est la bascule.

La chute sans fond de Grosjean

On assiste à la résurrection de l’homme au bandana. Ou plutôt au craquage de son adversaire. Si Grosjean a commis seulement 3 fautes directes dans la deuxième manche, il en réalise 36 lors des deux derniers sets. Métronome. Le marseillais est méconnaissable : coup droit dans le couloir, revers directement sur le juge de ligne, amorti faisant un rebond avant de mourir dans le filet, smash dans les gradins. Un récital.

Arnaud Clément ne se fait pas prier pour remporter le 4e set. La dernière manche est décisive. On s’attend à ce que Grosjean mobilise ses dernières forces pour l’ultime bataille ; il se fait breaker dès son premier service. On comprend alors qui des deux se rendra à l’aéroport de Melbourne le soir-même. Le cinquième set est une longue purge pour les spectateurs. Le sens unique est de retour, mais cette fois à contresens du début de la rencontre. D’un ultime coup droit totalement foiré dans le filet, Grosjean libère enfin le public et réalise l’exploit de cette quinzaine : s’incliner en ayant mené 2 sets à 0 et eu deux balles de match. En demi-finale. Face à un compatriote. La boucle est bouclée.

 

En finale, remake de la demie mais sans remontada

Pour la première fois de l’histoire, un Français se qualifie pour la finale de l’Open d’Australie. Face à lui, le champion en titre André Agassi. Mais Clément a remporté leurs deux dernières oppositions, dont notamment le deuxième tour de l’US Open l’année précédente. Clément commence alors à développer des idées pour battre Agassi. Le piège.

« Quand on le fixe, il démarre moins vite » A. Clément

C’est qu’il commencerait à croire au sacre le petit Arnaud. Agassi mise lui sur un combat de longue durée. Bien meilleur tennisman que pronostiqueur.

« On ne joue pas souvent contre des joueurs comme Clément. Il possède des armes contre lesquelles on n’a pas l’habitude de combattre. Il est assez dangereux des deux côtés » A. Agassi

On hésite entre la politesse ou le bluff. La finale n’a aucun suspens : 6-4, 6-2, 6-2 en seulement 1h 46. Digne d’un match de master 1000 en deux sets gagnants.

« Il m’a tout de suite déchiré du fond du court. Je me suis pris une raclée. Il m’a balayé il faut être honnête » A. Clément

Honnête il faut l’avouer. Mais son trac ne venait pas de la raquette : “La veille, j’ai très mal dormi. Mais c’est surtout parce que je me disais que j’allais devoir faire un discours, en anglais, devant des milliers de personnes… Je ne pipais pas un mot d’anglais. J’ai eu 5 au bac ! Je paniquais”. On ne le répètera jamais assez, mais la LV1 peut ruiner une carrière. Le mot de la fin revient à Agassi.

« Clément a des qualités qu’on voit chez peu de joueurs à ce niveau. Il va certainement continuer sur sa lancée et embêter pendant un moment les tous meilleurs » A. Agassi

Définitivement le pire pronostiqueur de l’histoire.

Tom