Coupe Davis 1985 – Paraguay | Le week-end exceptionnel des Français


Víctor Pecci

Nous allons vous parler de l’un, voire du pire déplacement de l’équipe de France dans l’histoire de la Coupe Davis. Rien que ça.

En 1985, la 74e édition de la Coupe Davis voit le jour. Et lors du premier tour, les Français affrontent le Paraguay. Sur le papier, le duel est des plus déséquilibré. Mais sur le terrain, la donne sera bien différente.

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Des signes qui ne trompent pas

La presse nomme ce week-end “l’Enfer d’Asuncion”, et vous allez vite comprendre pourquoi.

“Il y a eu des tas d’endroits où je n’étais pas très à l’aise. Au Paraguay, j’ai eu peur” J-P. Loth

Les Paraguayens veulent faire de leur stade une forteresse imprenable. Alors ils décident d’en construire un pour l’occasion. Enfin, il s’apparente davantage à un gymnase étriqué, d’une taille d’un terrain de basket. Problème de chaleur, absence de climatisation, du coup les matchs débutent seulement en début de soirée, pour se conclure en plein milieu de la nuit. Bref, une organisation tentaculaire. Le revêtement est en bois vitrifié, inconnu des Français, mais spécialité des Paraguayens. Dans une salle rebaptisée Alfredo Stroessner Stadium, nom du président de l’époque (bonjour la mégalo), l’atmosphérique est digne d’une guérilla.

“C’est comme si nous avions débarqué dans un endroit zen pour manger des sushis pour se retrouver dans une brasserie allemande avec un vacarme du diable” G. Forget

Près de 3500 supporters fanatiques indisciplinés hurlent à tout va, souvent assis juste derrière les juges de ligne, eux-mêmes locaux. Ou l’art de décider de la pluie et du beau temps sur chaque jugement de balle. Les bandas font un bruit assourdissant, les chocalhos et les tam-tams empêchent les Français de communiquer, les arbitres sont menacés, les joueurs insultés. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour un moment grandiose.

Une entrée en matière parfaite dans la Coupe Davis

Dès le premier match, Yannick Noah affronte le héros local, en la personne de Víctor Pecci. Le vainqueur de Roland-Garros deux ans plus tôt est le grandissime favori de cette rencontre. Pourtant, cinq heures plus tard, c’est le Paraguayen qui a raison de Noah, malgré une balle de match ratée par le Français. Un bon présage pour la suite.

Lors du deuxième match, tous les espoirs français reposent sur les épaules d’Henri Leconte. Face à lui ? Francisco González, un gars né en Allemagne au sein d’une base militaire américaine, et d’origine portoricaine. Mais le bougre joue quand même sous la bannière paraguayenne, et se rend au Paraguay uniquement pour la Coupe Davis. Le charme des naturalisations.

Le lien de la vidéo

Le natif de Lillers mène 2 sets à 1 contre Francisco González, mais parvient à laisser filer le match pour mettre la France sur d’excellents rails. Mais cette opposition ne pouvait pas se terminer sans une touche d’Espoir. Le double tricolore, puis Noah en simple, parviennent à recoller au score. Le Français s’impose au terme d’un match irrespirable (3-6, 6-3, 17-15, 6-4). Batailler durant 32 jeux pour finalement perdre le set, le tennis dont on raffole. Vous l’aurez compris, tout va se jouer sur le dernier match.

Le Paraguay, fair-play mais pas trop

Les deux pays sont dos à dos (2-2), et Pecci affronte Leconte dans un match décisif. Finaliste à Roland-Garros en 1979, Víctor Pecci réalise une saison 1985 de haut vol : il se fait éliminer au 1er tour de chaque tournoi du Grand Chelem. Mais si Leconte pense que ce sera de la gnognotte face au 40e joueur mondial, il se fourre une raquette dans l’œil. Dans le petit gymnase d’EPS construit pour l’occasion, l’ambiance est volcanique. Des échauffourées éclatent même entre journalistes français et supporters paraguayens, des taquets fusent. Cette Coupe Davis d’un autre temps.

“Les supporters avaient des battes de base-ball sur leurs genoux. Hervé Duthu, qui commentait le match pour TF1, avait pris une beigne dès le vendredi car on l’avait assimilé à un membre du staff. Il avait dû être réanimé sur la table du kiné” J-P. Loth

Puis une fois sur le terrain, les Paraguayens n’attendent pas longtemps pour faire admirer leur sens de l’hospitalité.

“Les supporters locaux écrasaient des gobelets en plastique quand Yannick ou Henri servait” G. Forget

Henri Leconte est mené 2 sets à 1 face au héros local, et sauve 3 balles de match. Mais pas la quatrième sur un ultime passing. Logiquement, le stade est envahi par les supporters déchaînés. La suite appartient à la légende.

“On sortait du court en se protégeant avec nos raquettes pour ne pas se faire massacrer” H. Leconte

Une situation qui révolte  Jean-Paul Loth, capitaine de l’équipe de France. Ce dernier veut porter réclamation et envoyer un rapport à la Fédération internationale. Sauf que le soir même de la défaite, des journalistes photographient Pecci, Gonzalez, Leconte et Noah réunis en boîte de nuit, tout sourire. Ou comment faire tomber à l’eau la réclamation.

Mais cette campagne 1985 n’est pas encore terminée pour la France. Après avoir perdu leur premier tour, les Bleus doivent jouer un barrage face à la Yougoslavie pour rester en première division. Ce sera bien sûr une défaite à la clef, avec une relégation dans le groupe de deuxième division.

Sensationnel.

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Tom