L’année 2001 commence tambours battants dans la sphère du tennis. Une demi-finale franco-française épique à l’Open d’Australie, et un craquage monumental de Sébastien Grosjean. Mais seulement une semaine plus tard, un nouveau choke va venir secouer le tennis français. Opposé au jeune Federer en finale du Tournoi de Milan, le mosellan Julien Boutter va connaître une déconvenue unique dans l’histoire de ce sport…
Mener deux sets à rien au bout d’1 heure 30, puis s’incliner deux heures plus tard. Face à son compagnon de chambre. En demi-finale de l’Open d’Australie. Où plus aucun français ne s’est imposé depuis 1928 et le sacre de Jean Borotra. Si cela vous paraît irréel, Sébastien Grosjean l’a pourtant vécu. Laissant son pote Arnaud Clément se faire balayer en finale par André Agassi en trois petits sets.
La Fédération Française de Tennis avait fort à faire en ce début d’année 2001. Mais comme si ça ne suffisait pas, l’immense Julien Boutter est venu mettre son petit grain de sel. Le Tournoi de Milan débute le lendemain de la finale de l’Open d’Australie. Pas le temps de niaiser. Et très vite, un jeune joueur fait tomber les têtes de série les unes après les autres ; un certain Roger Federer. 27e joueur mondial, le jeune suisse de 20 ans bat Goran Ivanisevic en quart de finale, puis Kafelnikov en demies. Si le suisse croit avoir fait le plus dur en ayant écarté les deux têtes d’affiches du tournoi, il ne le sait pas encore mais le plus gros morceau l’attend sagement en finale.
Boutter, l’outsider qui se croyait favori
Federer a perdu ses deux premières finales sur le circuit en 2000 ; à Marseille en février contre Marc Rosset, et à Bâle en octobre face à Thomas Enqvist. Mais heureusement pour lui, il affronte un français pour sa troisième tentative : Julien Boutter, 26 ans et 67e mondial. Le mosellan dispute sa première finale ATP. Entre les deux, c’est le jour et la nuit. Si le suisse a baigné dans le tennis dès son plus jeune âge, on ne peut pas en dire autant pour son adversaire. En effet le natif de Moselle est arrivé sur le circuit à 21 ans après des études d’ingénieur en biomécanique. On a connu plus précoce.
Mais les deux n’en sont pas à leur coup d’essai. En mars 1999, les voici qui s’affrontent en Challenger à Grenoble. Victoire du français 4-6, 6-2, 6-3. Il n’en faut pas plus au français pour qu’il fasse preuve d’un optimisme débordant avant la finale.
« Je partais presque confiant face à Roger Federer » J. Boutter
La chute est d’autant plus terrible.
Le résumé du match Boutter – Federer
En ce début de rencontre, Boutter joint les paroles aux actes. Il breake d’entrée le suisse. Roger laisse échapper sa rage, et Boutter jubile intérieurement. À Grenoble, Federer avait même balancé sa raquette. Mais le « Maître » s’est assagi depuis. Et c’est bien l’helvète qui remporte la première manche 6-4. Dans le deuxième set, les échanges sont tendus. Aucun joueur ne veut céder son service. Arrive alors le tie-break que le futur numéro 1 mondial va aborder « à la française ». Il se créé une première balle de match, qu’il loupe.
“C’est vrai que j’ai craint que cette finale ne tourne comme les deux précédentes” R. Federer
Infidèle aux valeurs du tennis français, Boutter fait preuve d’un supplément d’âme dans ce jeu décisif et remporte finalement la manche 7-6. C’est à ce moment-là que l’arbitre suédois Lars Graff commet LA boulette. L’erreur dont on se souvient encore 20 ans après. Tandis que Boutter a remporté le set précédent sur son service, c’est logiquement à Federer de servir en premier dans cette manche décisive. Si les règles sont pour le moins claires, elles ne le sont pas forcément pour Graff. L’arbitre demande à Boutter de servir. La suite est mémorable.
“Pendant tout ce jeu-là, je me dis que ce n’était pas à moi de servir” J. Boutter
S’il vient tout juste de remporter le tie-break au forceps, Boutter n’a aucune difficulté pour retrouver un mental en mousse si français. Federer le breake direct sur son service. Retard que Boutter ne parviendra jamais à combler. Où comment perdre une finale avec panache. Federer remporte son tout premier titre ATP de sa carrière après trois ans sur le circuit professionnel. Le premier des 103.
La gaffe de Lars Graff
« Je ne me souviens pas de la remise des prix et de la balle de match. Je me souviens juste que j’étais défait » J. Boutter
Ce soir-là, il s’agissait d’un match à 2 contre 1. Mais le français préfère retenir une image positive de cette finale : « C’était une jolie occasion que d’affronter Roger pour notre première finale. Et j’ai vu ce que je devais voir… ». Voir Federer soulever le trophée à sa place ? Boutter en remet une couche, nous faisant un appel du pied des plus insistants.
« Et comme Roger est un chouette personnage, ça me fait presque plaisir de parler de cette défaite » J. Boutter
Nous nous rejoignons amplement sur ce point Julien. Le mot de la fin revient au Maître suisse, infiniment reconnaissant envers le tennis français.
« Pour la première fois je me rends compte que je peux quitter un tournoi ATP en vainqueur » R. Federer
Palmarès de Julien Boutter : avoir donné confiance au plus grand tennisman de tous les temps.
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