Personne ne les attendait à ce niveau en début d’année, et pourtant, Arnaud Merklé et Lucas Claerbout l’ont fait. Non, ils n’ont pas remporté le tournoi du Syed Modi International à Lucknow en Inde. Mais grâce à un combo Covid/Cas-Contact qui les a tous les 2 disqualifiés de la finale, ils sont devenus champions 2022 des FFL d’Or, au nez et à la barbe du PSG ou des Girondins de Bordeaux entre autres. C’est dire le niveau de l’exploit réalisé.
La FFL les a donc réuni pour qu’ils nous racontent leur histoire rocambolesque et les dessous de cette superbe performance. Le genre d’exploit qu’ils n’auraient jamais réussi à réaliser de manière volontaire.
L’interview exclusive des n° 1 aux FFL d’Or — Arnaud Merklé et Lucas Claerbout.
La FFL : Salut les gars ! Alors pour commencer, expliquez-nous le contexte déjà. Racontez-nous un peu le tournoi qui se jouait, et ce n’est pas anodin, dans la ville de Lucknow ?
Arnaud : À la base je jouais Srikanth Kidambi au premier tour, Top 10 mondial et ancien numéro 1. Donc tirage un peu compliqué, mais lui a attrapé le Covid la semaine d’avant. Du coup je suis tombé sur un Sri Lankais beaucoup plus abordable, puis un Indien que je n’avais jamais battu et ensuite le numéro 10 mondial actuel. Donc semaine complètement positive avant la finale. D’un point de vue FFL c’était moyen par contre.
Lucas : Faire la finale dans un tournoi de ce grade-là, ça n’était pas attendu. On était sur la seconde semaine en Inde après un tournoi à New Dehli. Avec toutes les histoires de Covid début 2022, on a eu notre Visa un jour avant le départ. J’avais presque la flemme d’y aller, car il y avait des histoires de faux positifs et de positifs qui ont été négatifs de partout. Au final on a bien fait d’y aller, on a fait deux semaines très positives. Surtout à la fin.
A : Le 10e test Covid a été le dernier truc positif !
Donc vous vivez le tournoi dans la même chambre.
A : On n’était que tous les deux. On restait entre nous au restaurant, à l’hôtel. On rejouait notre match, analyse vidéo, on récupère. Surtout quand on gagne, on fait d’autant plus attention. On a fait 10 tests Covid en 15 jours. Je termine mon match, mon entraîneur change mon billet d’avion pour le lundi, mais du coup ton test Covid ne sera plus valide pour le retour. Il faut que tu en fasses un en rab. Celui de trop.
Le lieu du crime. Les affaires de stretching, la PlayStation, les raquettes, le Covid dans l’air…
Du coup toi Lucas, tu gagnes ton match et tu découvres l’histoire comment ?
L : Bah comme on est dans la même chambre, on fait notre soirée ensemble. Le dimanche matin je me lève 5 minutes avant Arnaud pour le petit déjeuner qui me dit qu’il me rejoint dans 5 minutes. Je n’ai même pas pris mon café que le juge arbitre vient me voir. Je le vois arriver avec une mine et un regard désolé alors que je suis à moitié réveillé, il m’annonce qu’Arnaud est positif.
Du coup tu as l’espoir d’être un magnifique champion sur tapis vert ?
L : Espoir ce n’est pas le bon mot, mais je n’ai pas tout capté instantanément. Puis il me demande si on est dans la même chambre. Je réponds que oui, il me dit direct que je suis cas contact et qu’il n’y aura pas de finale. Je n’étais même pas posé à la table du petit-déj quand j’avais déjà compris le traquenard. Même pas le temps de trop espérer quoi que ce soit en fait. J’envoie un message à Arnaud pour lui dire la nouvelle et de pas sortir. Je n’ai même pas pu revenir dans la chambre derrière.
A : Après on a essayé de négocier tout et n’importe quoi. Une finale à huis clos ou autre. Mais le règlement c’est le règlement. C’est la première fois que chacun de nous deux arrive à ce niveau, on était impatients. On s’imaginait déjà sur le podium, les récompenses, les remises de médailles, une Marseillaise…
Tu penses à une blague quand tu reçois la nouvelle ?
A : Au début ouais, je me dis « c’est un ouf lui ». Je vois Lucas Claerbout en haut de mon Whatsapp qui me sort ça ce jour-là, je rigole. Puis je reprends mes esprits et je me dis que c’est impossible, je le connais un peu, il ne blaguerait jamais là-dessus. On avait tous les deux hâte. Quitte à la perdre, j’aurais préféré la perdre sur le terrain ! On se disait qu’on allait s’en souvenir de cette finale ensemble. Bon, au final, on s’en souvient peut-être encore plus aujourd’hui.
Est-ce que l’hôtel était bien au moins ?
L : Franchement l’hôtel était bien. Chambre basique, mais l’hôtel était top. Le problème c’est que c’était le Covid et tout était fermé. Donc on n’avait aucun accès à la salle de gym ou à la piscine. Donc voilà heureusement qu’Arnaud avait la Play.
A : Du coup j’ai fait une semaine de Play derrière et j’ai rentabilisé l’abonnement Netflix. Après j’étais vraiment malade derrière donc j’ai surtout dormi aussi. Mais au bout de 5 jours, j’en avais bien marre. Mais le gérant de l’hôtel était super sympa, il m’a ramené des haltères de quoi m’entretenir sportivement dans la chambre pour ne pas tout perdre.
L : Moi je n’ai pas pu profiter de ça. J’ai eu un résultat négatif dans la nuit et je suis parti en France. 5 jours après positif, en France.
On a la photo de l’extérieur, mais pas les avis Google.
Du coup aujourd’hui, votre plus beau trophée c’est un FFL d’Or ?
A : Ouais, franchement, ouais. En attendant d’en chercher un peu plus gros.
Selon une source très sûre, Wikipedia en anglais, vous êtes les premiers de l’histoire du sport à avoir fait ça. Ça vous fait quoi de savoir que vous êtes les deux seules personnes sur Terre à avoir fait ça c’est vous ?
A : Je suis beaucoup à la recherche d’être unique. Je peux prendre toutes les personnes de la Terre, et il n’y a que Lucas qui a réalisé ça à part moi. Et en plus, c’est à cause de moi, j’ai le pire rôle, il doit être jaloux. Toutes nos vies, on sera lié avec Lucas.
Est-ce que tu lui en veux un peu Lucas ?
L : Non, j’aurais fait la même chose à sa place. Il savait qu’il allait perdre, je le sentais fatigué après sa demi et ce double forfait était une belle échappatoire pour lui. On s’est joué un mois plus tard aussi en Interclubs. Bon, j’ai perdu là.
A : Le plus drôle, c’est qu’on aurait dû se rejouer en Suisse pour notre premier tournoi après celui-là. Mais c’était en qualifications, et on s’est finalement fait mettre directement dans le tableau principal au final.
Vous allez retourner à Lucknow cette année ?
A&L : Y’a pas cette année.
L : Ils ont vu ce qu’il s’est passé l’année dernière, ils n’ont pas voulu recommencer.
A : Si ça se trouve le dernier match de l’histoire de ce tournoi, ça sera une finale non jouée.
L : Parfois dans les tournois ils mettent les drapeaux des vainqueurs de l’an passé. Peut-être qu’ils sont bloqués par rapport à ça, et qu’ils ont préféré ne pas mettre de nouvelle édition pour ça.
Est-ce que vous avez rejoué dans de mêmes tournois ensemble ?
L&A : Oui
Et vous allez reprendre des chambres d’hôtel ensemble ?
L&N : Non.
L : On, ne prend plus le risque, Arnaud m’a vacciné.
A : On est potes, mais plus jamais on ne dormira ensemble. On dit ça en rigolant, mais c’est quasi sûr qu’on ne le fera plus.
L : En plus ça n’est même pas nous qui avons choisi d’être dans la même chambre à Lucknow. C’est la fédé qui a fait ça pour nous.
Et ça été quoi les conséquences au final de ça ? Au niveau des primes, des points pour le classement général ?
A : Il y a 1000 points qui n’ont pas été redistribués. Tous les deux ont a eu 6000 points, alors que c’était 7000 pour le vainqueur. On aurait aimé avoir 6500 points chacun aussi.
L : Le pire c’est que les 500 points que je n’ai pas eus, j’ai perdu 4 places au classement. Et ces 4 places, ça me faisait rentrer dans de gros tournois d’après. Ces 500 points manquants, ça me laissait en premier réserviste. La pire place possible en gros.
A : Pour rajouter, si je gagnais j’aurais pu passer 32e mondial avec ces points, et j’aurais pu geler mon classement pendant 6 mois pour me faire opérer de la hanche. (Arnaud est actuellement en rééducation)
Et vous avez un souvenir de ça ? Une médaille ?
L : Même pas. On n’a rien eu, on est rentré chez nous.
A : Pas une coupe, pas une médaille, rien. Ils m’ont juste livré des pancakes.
Donc cette non-finale, ça vous a sauvé de bonnes performances ?
L : Exactement. On ne voulait pas prendre de risques à faire de bons résultats derrière.
A : On voulait faire profil bas.
Un petit mot pour conclure ?
L : On est déçu. On a tout fait avec Arnaud pour ne pas avoir de titre pour au final finir avec une place de numéro 1 aux FFL d’Or. Après un début de semaine compliqué où on avait gagné nos matchs, on avait fait l’effort avec Arnaud de ne pas jouer cette finale. J’étais déçu avec Arnaud d’être numéro 1 des FFL d’Or alors qu’on avait tout fait pour ne pas gagner en Inde.
A : Au final on a un titre…
L : On a un titre alors qu’on n’en voulait pas.
A : Toutes nos vies, on sera lié avec Lucas dans la lose. On en rira encore dans 20 ans. C’est la défaite qui nous aura donné le plus gros sourire.