Coupe du Monde de Rugby 1991 | La totale pour le XV de France


Serge Blanco, juste avant de prendre son 1491e tampon du match
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L’équipe de France en Coupe du Monde de Rugby, c’est “je t’aime moi non plus”. Victoires mémorables suivies de défaites frustrantes, arbitrage douteux ou même parfois juste une bonne rouste des familles. Le XV de France a quasiment tout vécu dans cette compétition. Tout, sauf la victoire finale, bien évidemment. Mais pour celle de 1991, il n’y aura rien de bien glorieux à se mettre sous la dent. Climat délétère, et surtout une sortie peu glorieuse bien trop souvent oubliée face à nos meilleurs ennemis : les Anglais.

Une préparation parfaite pour le XV de France.

Ici, tout commence bien avant le début de la compétition. Dans un monde sportif ou le professionnalisme arrive à grands pas, la Fédération Française de Rugby est en crise. Déjà, nous diriez-vous. Albert Ferrasse a décidé de laisser sa place à la fin de l’année et de s’arrêter après seulement 23 années de présidence. En crise depuis quelques années, cette décision va créer une guerre politique pour sa succession. Et dans ce cadre, les terrains passent au second plan. À un tel point que tout le monde se contrefout d’organiser le stage de préparation pour le XV de France. Pire encore, personne ne veut mettre la main à la poche pour le financer.

Au final, ça sera le président de Cap Gemini qui enverra les larrons dans le Colorado, terre de rugby par excellence. 100 jours de préparation dans la joie et dans la bonne humeur ? Pas du tout. Les récents vainqueurs du Championnat de France, les Béglais, rendent fous les vieux briscards qui ont participé à la Coupe du Monde 1987. En tête des jeunes fougueux, Philippe Gimbert, Serge Simon et Vincent Moscato vont s’embrouiller à de multiples reprises, ces 2 derniers séchants même un rassemblement.

Et si vous pensez que le bordel est fini, vous vous trompez. Les 2 sélectionneurs se tirent dans les pattes. Daniel Dubroca ne sélectionne pas Moscato et Simon, et surtout laisse aussi de côté les tauliers Pierre Berbizier et Laurent Rodriguez.

J’ai été désavoué sur le choix de certains joueurs et ça a créé un climat de méfiance. Cet a priori, dans la préparation d’un tel événement, n’était pas de bon aloi.

Jean Trillo

Bref, une gouvernance en crise, des joueurs qui se foutent dessus et des entraîneurs qui ne se font pas confiance. Le cocktail parfait pour une compétition de légende, n’est-ce pas ?

Un premier tour sans grand intérêt avant le jour de gloire

Bien heureusement pour les Français, la chatte, pas encore possédée par Dédé, a fait son travail lors du tirage. Une poule composée de la redoutable Roumanie, des cousins canadiens et des Fidji. Le Canada posera quand même bien des problèmes aux Français, mais le XV de France va tout de même s’en tirer avec 3 victoires en 3 matchs. Direction les quarts pour retrouver leurs meilleurs amis les Anglais. Quoi de plus jouissif que de battre chez soi, les Anglais, pour les empêcher de faire une finale à domicile ?

Bon, a priori, ça n’est pas l’ordre du jour pour les joueurs. En effet, ils menacent de faire grève, car ils souhaitent une prime. Le bras de fer sera finalement remporté par Ferrasse, et les joueurs n’iront pas au bout de leurs idées. Il faudra donc attendre encore 19 ans pour vivre le jour de gloire.

Si vous ne voulez pas, vous dégagez. On en prend quinze autres et on n’en parle plus’.

Ferrasse, un peu plus hargneux qu’Escalettes.

Un plan anti-Blanco pour les White.

Le jour est venu au Parc des Princes. Celui d’une confrontation tant attendue. Quelques mois plus tôt, le XV de France avait offert une défaite encourageante comme elle aimera nous offrir encore de nombreuses années. Défaite 21-19 à Twickenham avec un essai encore dans la mémoire de ceux qui l’ont vécu en direct.

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Mais l’ambiance est toute autre, ce 19 octobre 1991. Les Anglais n’ont que guère envie de voir le French Flair prendre encrage au Parc des Princes. Leur stratégie sera d’ailleurs triviale et redoutable : cibler Serge Blanco. La légende du rugby français va tout simplement se prendre tous les coups possibles et imaginables. En réception de chandelles, à terre, en placage.

Sous l’œil plutôt (très) indulgent de l’arbitre néo-zélandais David Bishop, les Bleus vont se faire démolir et rentrer dans le jeu des perfides anglais. Au milieu de l’impunité totale, ils vont préférer utiliser leurs mains pour déclencher des générales plutôt que de faire la passe au voisin. Les Anglais fatiguent aussi. Peter Winterbottom se trompe et envoie un gros coup de pied dans la tête de Marc Cecillon au lieu de Blanco. Et pourtant, dans ce marasme total, ils reviennent à 10-10 à l’heure de jeu. Mais ils n’y sont tout de même pas. Fabien Galtié tente bien de surprendre tout le monde, mais rien n’y fait.

Les Anglais inscriront une pénalité très contestable, puis un essai après la sirène histoire de finir de climatiser le Parc des Princes, qui, décidément, aime le froid polaire. 19-10, fin de tournoi pour les Bleus. Enfin, presque. Daniel Dubroca ne goûte que très peu à l’arbitrage de Bishop, et va lui dire de manière assez vigoureuse. Il l’attrape par le colback dès l’entrée des vestiaires pour lui dire en face à face que c’est une merde. So French. On n’ose pas imaginer ce qu’il aurait fait au pauvre Craig Joubert 20 ans plus tard du coup.

Mais cette élégance française ne sera pas bien perçue dans le monde du Rugby. Sommé de s’excuser, il devra présenter ses excuses quelques jours plus tard, avant de démissionner. Et c’est celui qu’il a laissé à la maison, Pierre Berbizier, qui prendra sa place. Belle ambiance.

Les Anglais, eux, iront s’offrir une défaite en finale face aux Australiens. Une consolation pour Serge Blanco et tout le XV de France.

Cette coupe du monde reste le plus mauvais souvenir de ma carrière. Assurément, la plus grosse déception. Si j’ai décidé un jour de devenir dirigeant, c’est, je crois bien, à cause de ce fameux mondial.

Serge Blanco

Un mal pour un bien, au final.