Lors de l’année 2016, la planète du sport a chaviré. Oubliez le but en prolongations d’Eder en finale de l’Euro. Ou même Lewis Hamilton ne pas être champion du monde de Formule 1 au volant d’une Mercedes. Non, le séisme se trouve ailleurs. Lundi 17 Octobre. Après 20 ans passés à la tête du club, les Dreyfus se séparent de l’Olympique de Marseille. Et malgré son nom de burger, c’est bien Frank McCourt qui rafle la mise.
Avant cette arrivée divine, il serait judicieux de planter le décor.
La saison précédente est digne d’une tragédie marseillaise écrite par son enfant Pagnol. Premier acte : Bielsa no se va. Un match et puis s’en va. Qui plus est une défaite à domicile en match d’ouverture face à l’ogre du Stade Malherbe de Caen. Suivi du premier intérim de Franck Passi, soldé par une défaite bien sûr. Qui provoque la venue du beau gosse Michel, vainqueur 6-0 de son premier match au Vélodrome. Les supporters marseillais, peu reconnus pour leur chauvinisme, sont alors très vite séduits par leur « messie », enfin arrivé sur la Canebière. Ils seront un peu moins séduits par les six petits points les séparant de la zone de relégation au mois… d’avril !
Le sauveur espagnol est contraint de reprendre la mer, ce qui laisse place au second intérim de Passi. Rôdant autour du poste tel Iznogoud autour du trône. Une défaite en finale de la Coupe de France face au PSG (4-2) et une treizième place inespérée en championnat. Puis comme si cela ne suffisait pas, le mercato estival qui suit est lunaire : Bedimo, Khaoui, Hubocan et Njie viennent « renforcer » le club. Et dans ce bordel sans nom, un américain qui connaît vaguement les règles du football rachète le club. This is Marseille.
Il faut sauver le soldat OM
Margarita Louis-Dreyfus avait exigé une condition non-négociable pour se séparer du club ; le céder à un propriétaire replaçant l’OM aux avant-postes. C’est pourquoi elle l’a vendue à Frank McCourt, désigné 2e pire propriétaire de l’histoire du baseball par ESPN. Ça se tient.
Trois mots viennent ponctuer ce rachat : OM CHAMPIONS PROJECT. Trois mots qui hantent encore les nuits des supporters olympiens. Car non seulement l’homme d’affaires américain a racheté le club, assaini les dettes de l’institution, mais également promis à ses fans un avenir radieux lors de la conférence de presse. Plus glorieux même que le passé. On attend toujours.
« Je veux une équipe qui vise le titre chaque saison ! » F. McCourt
On pensait que succéder à trois Coupes de la Ligue comme derniers trophées serait une simple formalité. Que nenni.
« Nous devons concurrencer directement le PSG, le défier et le battre. » F. McCourt
Et mercé le dernier clasico qui nous empêche de nous délecter des neuf saisons précédentes sans la moindre victoire.
« Nous hisser au plus haut rang du football européen. » F. McCourt
Ah.
De Mickey Mouse à Karaté Kid : la touche hollywoodienne de McCourt
Par la même occasion, Jacques-Henri Eyraud est désigné président de l’OM. Passé notamment par Euro Disney ou encore le Club Med, le CV de JHE a sans nul doute pesé en sa faveur. Seulement quatre jours plus tard, Rudi Garcia est recruté. Suivi d’Andoni Zubizarreta. Un trio qui va faire forte impression à Marseille, notamment côté mercato.
Dès le mois de janvier 2017, la direction se démarque par un premier coup d’éclat : Pat’ Evra débarque pour 18 mois. À 36 ans, certes il n’incarne peut-être plus l’avenir, mais au moins le présent espère-t-on. Adepte de la distanciation sociale avant l’heure, le marquage chez Tonton Pat est assez soft. On peut alors imaginer qu’il compte sur sa vitesse pour combler le retard. Mais difficile avec le turbo de Busquets. Laissé libre par la Juventus 1 an et demi avant la fin de son contrat, il fallait peut-être se poser les bonnes questions. Se les poser avant qu’il ne décoche son meilleur kick en pleine tronche d’un supporter. I love this game.
Mais Evra n’était que l’entrée. Le plat consistant arrive quatre jours plus tard : l’OM refait venir Payet. Agé de 30 ans, les dirigeants marseillais décident donc de le faire signer, non pas un an, ni deux, ni même trois, mais quatre ans et demi. Logique. Et de poser 30 millions sur la table, pour en faire le plus gros transfert de l’histoire du club. A l’été 2015, Payet avait quitté la cité phocéenne contre 15 millions d’euros. Jolie plus-value. Business is business.
Le même jour, dans le plus grand des anonymats, l’équipe de McCourt décide pourtant d’attirer un des grands milieux croates de sa génération. Oubliez les ringards Modric et Rakitic. Pensez au doux toucher de balle de Sertic. Zéro but et une passe décisive en trois saisons, c’est tout de même une passe de plus que ce qu’on attendait de lui.
Une finale de perdue, zéro de retrouvée
Après avoir terminé la première saison à la 5e place, l’Olympique de Marseille finit 4e la seconde. Renforcé par les jeunes prometteurs Mandanda (32 ans), Rami (32 ans) et Gustavo (30 ans), l’OM passe un cap avec la signature d’un top buteur, arraché à son club le 31 août, à la toute dernière heure du mercato. Marseille réalise un coup de poker en signant pour « seulement » 15 millions d’euros Kostas Mitroglou. Soit tapis avec une paire de 2. Il arrive blessé, et pour 4 ans. On ne sait pas ce qui est le pire.
Les marseillais parviennent en seulement trois jours à réaliser un Grand Chelem rare dans l’histoire du football. Perdre une finale de Coupe d’Europe (3-0 contre l’Atlético Madrid) et rater la qualification pour la Ligue des champions pour un seul petit point. C’est Marseille Bébé.
Grâce à l’arrivée de Strootman pour 25M hors taxe, la saison suivante sera bien moins cruelle. Pas question de récidiver cette foutue faute professionnelle les ayant envoyés en finale de la Ligue Europa. Cette fois-ci, c’est une élimination dès les poules. 0 victoire, 1 match nul et 5 défaites. Dont un revers 3-1 face aux vignerons de l’Apollon Limassol. Exquis.
Si « le groupe vit bien » comme aimait à le dire Garcia, c’est moins le cas pour la situation financière du club. L’année dernière McCourt a dû faire face à un déficit d’exploitation atteignant près de 91 millions d’euros. Une gestion millimétrée du club.
On se quitte avec cette promesse de Frank McCourt, tenue à l’occasion de la conférence de presse lors du rachat de l’OM : « Je veux gagner la Ligue des Champions ». Et le pire, c’est qu’il n’y a aucune erreur de traduction.