Tour de France 2019 – Le vendredi saint


Tour de France 2019 | Le vendredi saint de Thibaut Pinot
Thibaut Pinot
C’est dans l’extrême difficulté que naissent les plus belles aventures. A force, on devrait le savoir. Mais quand on est dans la mouise, désolé, c’est toujours flippant… Et pourtant. Ce Tour de France 2019 a été touché par la grâce, ce vendredi 26 juillet qu’on n’oubliera jamais et sera désormais pour nous un jour férié – la fête nationale étant déjà prise, depuis 1982, par le 8 juillet. Après un mardi et un mercredi (trop) tranquilles, on misait déjà gros sur le jeudi, espérant enfin un réveil de nos cyclistes tricolores lors de cette première étape des Alpes. RAS, si ce n’est Romain Bardet, jusque-là en dessous de tout, qui récupère le maillot à pois à Valloire.

On aurait aimé se réveiller enfin, se dire que tout ça n’était qu’un mauvais rêve. Non, le cauchemar continuait de plus belle, et surtout s’empirait avec ce baroud de déshonneur d’AG2R. Ce n’était qu’un défi de plus à notre ténacité. Nous avons découvert avec une puissante extase la signification de la devise « Tout vient à point à qui sait attendre », à laquelle tous nos sportifs de France et de Navarre, depuis tant d’années, ne nous avaient pas spécialement habitués. Vendredi, après seulement une trentaine de kilomètres et même pas une heure d’étape en route vers l’Iseran et Tignes, Thibaut Pinot a brusquement repris le contrôle de sa carrière.

Extrêmement décevant depuis le début du Tour, son panache est redevenu immense. A 14h44, la voiture médicale s’approche de lui. Nos amis de France Télévisions, qui suivent chacun de ses pas pour un documentaire et savaient donc tout, évoquent une piqûre d’insecte. LOL. Tout simplement trop fort, Tibopino s’en allait gagner le Tour de France et donne son corps à la FFL (et tous ses sympathisants). A 15h01, complètement largué, il abandonne pour une blessure à la cuisse dont lui-même ne sait toujours pas quand elle est arrivée. Mercredi, jeudi, comment, pourquoi ? Là n’est pas l’important, bien sûr.

Si on pouvait trouver encore plus costaud que du hors catégorie, ce serait pour Pinot. « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? », demande-t-il en larmes à Marc Madiot, dans sa chambre. Avant de tenter le coup de bordure.

« C’est fini, moi j’arrête. »
Thibaut Pinot

Partir au summum comme Zizou. Mais son manager, indissociable de cette lose pour l’histoire, a un éclair de génie : « T’as tout bien fait, tu n’y es pour rien. Ne dis pas ce que tu regretteras. Tu n’as rien à te reprocher. » Le lendemain, ayant vite retrouvé ses esprits, il se reprend : « J’ai compris, finalement, qu’il n’y a que le Tour qui compte. Donc je vais m’y consacrer. Le vélo, désormais, pour moi, c’est le Tour. » Sage décision.

Cette peur panique évacuée, celle de notre plus grande chance de maillot jaune sur les Champs, horriblement concrète (au moins du niveau de Gael Monfils qui gagnerait Roland-Garros), il restait encore l’affreux Julian Alaphilippe. Dans la montée vers l’Iseran, il se fait déposer par Egan Bernal et perd la tête du général, assumant enfin ses ambitions maintes fois clamées de ne pas gagner le Tour. Il récupère un peu de temps dans la descente, mais les dieux de la bicyclette arrêtent cette étape mythique et gèlent les temps en haut de l’Iseran. Après ce vendredi saint, il passera samedi, à Val Thorens, de la deuxième à la cinquième place. Tout est bien qui finit très, très bien.

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