Trois ans avant sa scission officielle avec notre Fédé, l’Olympique de Marseille jouait les bons élèves sur la scène européenne. Lors de la Coupe des clubs champions 1990, l’OM tient son destin entre ses mains face au Benfica. Avant que celle d’un certain Vata ne vienne crucifier les Marseillais sur l’autel portugais, dont le nom est tout trouvé : le Stade de la Luz.
Jean Castaneda, mélange de Castex et d’Arconada
Lors de la saison 1989-1990, les Marseillais sont à la lutte avec les Girondins de Bordeaux pour le titre de champion de France. Un mano a mano qui doit être géré par l’OM en même temps que sa première folle épopée européenne. Pour se hisser en demi-finale de la Coupe des clubs champions, l’Olympique de Marseille se défait tout d’abord de Bondby en seizièmes (4-1), l’AEK Athènes en huitièmes (3-1) et enfin le CSKA Sofia en quarts (4-1). Un parcours du combattant, vous l’aurez compris.
Mais si tout roule pour les Olympiens, une sacrée mauvaise nouvelle vient les heurter lors de leur qualification aux dépens des Bulgares. Le gardien titulaire Gaëtan Huard se fracture la jambe contre le CSKA Sofia. C’est donc son remplaçant, le trentenaire Jean Castaneda qui a joué 360 matchs avec les Verts de 1977 à 1989 au moment où le club a commencé à décliner, qui le remplace. Sauf que le bougre avait initialement signé en début de saison à l’OM comme préparateur. Mais cela n’a pas l’air de stresser plus que ça Castaneda, comme le raconte quelques années plus tard la Dèche.
« Un journal avait fait sa Une sur lui, avec le titre ‘On compte sur toi’. Tapie lui avait mis le journal sous le nez en lui disant : “Tiens, regarde.” On voyait alors des gouttes tomber du visage de Castaneda » D. Deschamps
Mais histoire de rassurer ses coéquipiers, et lui en premier, Castaneda s’illustre à l’occasion du dernier match de championnat avant la réception du Benfica. Lors du déplacement à Brest, dans un froid glacial, le portier se munit de ses plus belles moufles, et le résultat est sensationnel.
L’OM passe à côté de tout à l’aller, sauf des regrets
C’est donc avec cette incertitude dans les cages que les Marseillais s’apprêtent à recevoir le Benfica Lisbonne pour le match aller des demi-finales de la Coupe des clubs champions. Les Parisiens ont un maître en la matière en ce qui concerne la préparation des grands rendez-vous européens. 4 avril 1990, le Stade Vélodrome est en ébullition comme à son habitude. Plus de 43 000 supporters sont prêts à en découdre et à réserver un enfer aux Portugais. Mais dès le coup d’envoi, telle une clim Daikin, Lima vient rafraîchir tout ce beau monde à la 10e minute, sur un corner déjà.
Les deux buts de Sauzée et Papin en première période permettent aux Marseillais de respirer à la pause. La suite ? Un remake avant l’heure de Bayern – PSG. L’OM assiège littéralement la surface du Benfica, mais rien n’y fait : poteaux, ballon qui roule sur la ligne, but hors-jeu, un Silvino qui prend feu et des attaquants marseillais inspirés comme Coman et Sané réunis. Un cocktail injouable. Score final 2 buts à 1. Pour remobiliser les siens, le coach Gérard Gili tente la carte de la sérénité. Un prophète.
« Pour l’instant nous n’avons jamais perdu un match de Coupe d’Europe à l’extérieur, donc je ne vois pas pourquoi nous serions particulièrement inquiets » G. Gili
Le billet pour la finale devra donc s’obtenir au Stade de la Luz. Quelle ironie.
Le résumé du match Benfica – OM
Mercredi 18 avril 1990, Stade de la Luz, 120 000 spectateurs. Les onze Marseillais sont lâchés au beau milieu d’une arène, digne d’une mise à mort. La tension est palpable car un seul but pourrait renvoyer les Olympiens bredouilles sur la Canebière. Pourtant à un quart d’heure du terme, l’OM pense ouvrir le score mais Samuel réalise un sauvetage sur sa ligne. Le début d’un mythe est en train de s’écrire.
C’est alors qu’intervient cette fameuse, cette unique, cette inoubliable 83e minute. Benfica obtient un corner, tiré par le brésilien Valdo, futur Parisien pour l’anecdote. Le ballon est dévié par l’attaquant Magnusson, puis coupé par le nouvel entrant Vata Matanu Garcia. L’Angolais s’impose devant Di Meco et parvient à placer sa tête main pour tromper Jean Castaneda. La main du Diable est née.
L’arbitre belge Marcel Van Langenhove, également épicier dans son bled de Wemmel à ses heures perdues, ne voit que dalle. Pourtant à 1 mètre 50 de l’action, le but paraît être une évidence pour lui. Honnête avec lui-même, il se permet même une petite galéjade.
« On réclame une main, mais quand tu ne l’as pas vue, tu ne l’as pas vue, c’est tout. Je suis masqué par six joueurs et je ne sais pas regarder à travers les gens » M. Van Langenhove
Le panache belge est tout aussi savoureux que son seum.
Retrouvez le maillot de Vata sur notre affiche “Panthéon de la Lose”
Vata, ce héros des temps modernes
Le comble de l’histoire, c’est que Vata est catégorique : il n’a pas marqué de la main.
« On n’arrête pas de parler de la ‘main du Diable’ mais je n’ai pas marqué avec la main. J’ai marqué de l’épaule, j’ai la conscience tranquille » Vata
Alors lui, une statue au plus vite s’il vous plaît. À sa tricherie flagrante, Vata y ajoute une pincée de mauvaise foi. Au cas où les Marseillais n’avaient pas eu leur dose de frustration. Mais la réalité est là, il n’y aura pas de première finale de Coupe d’Europe pour l’OM. Quatre ans après la main de Dieu, l’OM se fait sortir par la main du Diable. Clinique.
« J’apprends vite. La saison prochaine, croyez-moi, cela ne nous arrivera pas. Jamais plus nous n’encaisserons un but de la main » B. Tapie
Certains y voient l’aveu d’une future corruption, quand d’autres y voient l’aveu d’une future corruption. Mais rien ni personne ne peut l’affirmer ou l’infirmer. C’est un peu comme l’existence du Christ quoi. Ou le pénalty sur Nilmar.
La polémique ne se réduit pourtant pas au rectangle vert. Michel Rocard en personne, alors Premier Ministre de l’époque, n’hésite pas à prendre contact avec le gouvernement belge. Et l’affaire ne s’arrête pas là quand on prétend que ce dingue de Van Langenhove aurait été acheté par les Portugais pour 1 million d’euros ! Des bordereaux vont même être découverts. Manque de bol, ils sont faux. En attendant, l’OM devra patienter jusqu’à la saison suivante pour se hisser en finale de la Coupe d’Europe. Défaite aux tirs au but face à l’Étoile Rouge de Belgrade. Tout ça pour ça.
Mais ça valait diablement le coup.