En 1999, l’Équipe de France de Tennis avait foiré sa finale de Coupe Davis face à l’Australie, en se trompant de surface. En 2002, c’était le choix du joueur pour le match décisif qui avait fait défaut face aux Russes. Alors huit ans plus tard, on se dit que les Bleus ont logiquement appris de leurs erreurs. Mais ce serait insulter la France, chers licenciés. Car une fois de plus, les Tricolores nous ont sorti un coup venu d’ailleurs. Oubliez PHM, place à Llodra.
La campagne 2010 est un pur calvaire. Les Bleus écrasent tout sur leur passage. En remportant leurs confrontations dès le troisième match à chaque fois : contre l’Allemagne (4-1), l’Espagne (5-0) et les USA (5-0). Personne ne résiste à la machine française. Elle est bien loin la défaite dès le premier tour face à la République tchèque l’année précédente.
Les Français débarquent donc en finale avec une confiance monstre. Cette tactique est désormais largement connue : susciter de l’espoir au sein du public pour que la chute soit d’autant plus brutale. Et encore une fois, les Bleus vont en abuser.
Samedi : FFT 1 – 0 FFL
L’entrée en matière n’arrange rien. Facile vainqueur de Tisparevic (6-1, 7-6, 6-0), en signant une dixième victoire en dix matchs lors de cette campagne, Monfils ne fait qu’aggraver la sensation de sérénité de nos Tricolores. Mais fort heureusement, Gilles Simon prend le chemin inverse face à Djokovic (3-6, 1-6, 5-7). Demi-tour avec frein à main.
Arrive alors le match de double. Ou plutôt le match de dingues. Menée 2 sets à rien, et 4-1 dans le troisième, la doublette Clément – Llodra est au bord du précipice. Mais la paire tricolore parvient à renverser la vapeur. Fait rarissime dans l’histoire du tennis français. Et une valeur diamétralement opposée à la nôtre. Le duo de l’Équipe de France remporte finalement la partie en cinq sets au bout de 4h30 de jeu. Ce samedi soir là, nous avions mal à notre tennis.
Comme lors de chaque finale, le double est un tournant décisif. Et une statistique vient enfoncer encore plus les Serbes. Avant cette édition 2010, seules trois nations dans l’histoire ont remporté le titre en ayant perdu le double. Mais c’était sans compter sur le panache de nos Français.
Le match 4 oppose Monfils à Djokovic. Encore une fois, le Serbe inflige un revers cuisant en trois petits sets. Tout va donc reposer sur le cinquième et dernier match. Un scénario hollywoodien avant même le premier coup de raquette.
Llodra, The Chosen One
Pour ce dernier match de la compétition, le capitaine de l’Équipe de France Guy Forget est face à un choix cornélien : doit-il faire jouer Gilles Simon ou Michaël Llodra ? Persuadé que Tipsarevic sera aligné en face, son choix se porte sur Mika. Un choix dont se réjouit le Serbe : « Il y a un joueur sur le circuit qui est notre plus grand cauchemar à Viktor et moi et il s’appelle Gilles Simon. Il faut se rendre compte qu’en huit matchs joués, nous n’avons pas gagné un seul set Viktor et moi contre lui ».
Alors, pourquoi donc prendre le risque de faire jouer Gillou ? D’où la raison d’aligner Llodra pour le match décisif. Tout se comprend désormais. Le principal intéressé est lui sur un nuage.
« Je réalise l’une de mes meilleures années. Je fais demi à Bercy en battant Djokovic. C’est vrai que je suis un petit peu le maillon fort de cette Équipe de France » M. Llodra
Exceptionnel avec le recul.
Mais il s’agit seulement de la première partie de ce scénario fou. Persuadé d’affronter Tipsarevic, Llodra se focalise sur le jeu de son prétendu adversaire. Analysant ses moindres coups. Mais il apprend dix minutes avant le début du match qu’il affronte finalement Troicki. Et oui, tandis que les Français ont scandé haut et fort que Mika assurerait le dernier match, les Serbes ont joué un petit coup de poker. C’est Troicki qui sera de la partie. 2002, 2010, même combat.
Dimanche, le jour du seigneur Mika
La salle de la Belgrade Arena est chauffée à blanc. La rencontre va très vite tourner en match à mort dans une arène survoltée. Le jeu de Llodra s’avère parfait pour Troicki, excellent retourneur. Mika se fait fusiller à chaque montée au filet. Une standing ovation accompagne chaque passing shot de Troicki. Au total, Llodra est monté au filet 41 fois. Il s’est fait trouer à 31 reprises. Magic Mike.
Mais le Serbe ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Après avoir puni le Français sur chaque montée au filet, il fait exploser en vol son service. Mika perd à huit reprises son engagement, réputé imprenable. Quand lui a seulement breaké à deux reprises. Près du double de points gagnants : 58 à 32. Une véritable boucherie serbe.
Comme face à la Russie en 2002, les Bleus menaient 2-1, avaient gagné le double, et ont perdu lors du match 5. Et comme PHM huit ans plus tôt, Llodra finit en larmes. Au final, ce dimanche aura ensoleillé notre fédé : 6 sets à 0, 36 jeux à 15. À sens unique.
« C’est souvent dans les défaites qu’on apprend. Aujourd’hui on a montré qu’on était une grande équipe » M. Llodra
Ah ça, on ne vous le fait pas dire.
« On a la chance d’être tous très potes. On est tous très solidaires, même dans la défaite » M. Llodra
Propos confirmé par Guy Forget : « Je ne pense pas que Tsonga aurait perdu contre Troicki ». Dans le jargon, on appelle ça une gifle du coup droit.
« On est fiers de nous. Et je peux vous dire que l’année prochaine on sera là » M. Llodra
L’année suivante, ils seront balayés 4-1 par l’Espagne. Ne changez rien, vraiment.