Il est temps de se remémorer avec plaisir les prouesses du patineur venu de Poitiers, le dénommé Brian Joubert. Brian Joubert, c’est d’abord un destin qui aurait pu inspirer Martin Fourcade : il glane son premier titre européen en 2004, à l’âge de 20 ans, l’emportant au nez à la barbe d’Evgeny Plushenko, vice-champion olympique en titre (et qui remportera l’or olympique par deux fois).Stupéfaction dans la France des sports de glace, plus habituée aux performances Candeloro-esques (à base de costume un peu ridicule et de troisièmes places) qu’aux sommets européens.
Un début de carrière qui souffle le chaud et surtout le froid
La saison suivante marque l’entrée de Brian Joubert dans l’élite de cette France qui perd, ou plutôt qui a peur de gagner et Martin peut donc se détendre et avoir d’autres modèles en tête. Plushenko, encore lui, abandonne après le programme court des Championnats du monde. La voie royale semble toute tracée pour Brian Joubert. Il est déjà annoncé comme grand favori. C’était bien mal connaître notre champion, qui, glacé par l’enjeu, tombait d’entrée sur son quadruple boucle piquée, avant d’enchaîner les déconvenues. Résultat : une treizième place du programme libre, une sixième place au général et un podium totalement inédit, avec trois garçons se demandant presque ce qu’ils faisaient là.
Les JO de Turin en 2006 sont une nouvelle fois l’exemple parfait de ce choke à la française, avec un Joubert tétanisé qui termine à nouveau sixième.
Et pourtant, 2007 semble sonner le glas de la fidélité de Brian Joubert à la France qui patine dans le vide : avec des forfaits à foison et des favoris absents, Joubert aurait dû trembler, tomber et ne pas se relever. Las, c’est tout l’inverse qui se produit et il réussit l’exploit de jouer la sécurité techniquement et de ne pas flancher. Il est alors sacré champion du monde à Tokyo.
Les années suivantes sont faites de changements d’entraîneur (pourtant Poitiers ce n’est pas Nantes, si ?), de places d’honneur, de blessures, de refus de quitter sa ville pour aller s’entraîner avec de grands noms au Canada, jusqu’à l’apothéose que constituent les Jeux olympiques de Vancouver en 2010. 2010 cette année légendaire où certains ne descendront pas du bus – pour Joubert c’est également légendaire, mais pour une autre raison.
2010 – Le Saint Suaire de Brian
Le programme court débute et tout le monde retient son souffle. Joubert commence d’entrée avec une combinaison quadruple boucle piquée/triple boucle piquée, son « signature move ». Il se retourne à la réception du quadruple, impossible d’enchaîner le triple, ses jambes flageolent, les nôtres aussi et on se surprend à rêver d’un scénario catastrophe. Mais Brian Joubert sait manier le suspense et nous assène un triple axel réussi quelques secondes après.
L’angoisse est palpable pour nous, mais heureusement, le coup de génie arrive juste derrière. Brian se foire totalement à l’envol de son triple lutz, effectué quasiment à l’horizontal, et atterrit on ne sait trop comment sur deux pieds après deux rotations en l’air.
« Disastrous », « Painful to watch »
Les commentateurs de la NBC
Heureusement, c’est un programme court, de 2min30, ce qui nous épargne de devoir endurer encore 2 minutes de cette musique d’apocalypse (ambiance boîte de nuit des années 90) et des viandages de tous les côtés. Mais la légende ne fait que commencer, le paroxysme reste à venir. Installé dans le bien nommé kiss and cry, que l’on pourrait rebaptiser pour l’occasion le Fucking Olympic Games, entouré de ses deux coachs, Brian Joubert lâche ces mots d’anthologie.
« Putain de Jeux Olympiques de merde. J’y arriverai pas. J’y arriverai pas avec ces putains de JO» Brian, pas content.
Joubert confirme sur le programme libre
Non, en effet, il n’y arrivera pas. Terminant à la dix-huitième place de ce programme court, il verra ainsi s’envoler tout espoir de finir dans le top ten (ne parlons même pas du podium). Le programme libre deux jours plus tard est d’une longueur sans fin, une chute sur le premier saut puis un quadruple boucle piqué, avec une réception les deux patins plantés dans la glace. Les spectateurs et téléspectateurs sont parcourus par un frisson à chaque préparation de saut, qui dure une bonne dizaine de secondes à traverser la patinoire… et on n’est pas déçus. L’agonie de ces Jeux olympiques se solde par une seizième place.
Le choke à la française est ainsi parfaitement illustré.
Et que dire de cette manie française de sortir une autobiographie à 21 ans pour parler de ses exploits (??) et réussites(??) dans son sport. Enfin, on se demande si on ne préfère pas plutôt ça à la tentative de Tony Parker de percer dans le rap en 2007, l’année du sacre de Brian Joubert.
Parfois, certaines années méritent d’être oubliées.