Si on connaît le sort réservé à l’Olympique Lyonnais par l’AS Rome, et le célèbre brisage de rein de Mancini, les Girondins de Bordeaux n’ont pas à être jaloux non plus. Opposés aux Italiens en 8es de finale de la Coupe UEFA lors de la saison 1990-1991, les Bordelais ont pleinement profité de leur voyage à Rome, en revenant les valises pleines. Le retour s’annonçait volcanique au Parc Lescure. Et il l’a été.
Lors de la saison 1990-1991, les Girondins de Bordeaux comptent dans leurs rangs sans le savoir de futurs traîtres à la nation ; Bixente Lizarazu, Didier Deschamps ou encore Christophe Dugarry. Mais ces futurs apatrides du sport, qui s’avèreront diaboliques à la fin de la décennie, ne sont pas encore au sommet de leur art. La preuve en est, les Girondins débutent leur championnat par quatre matchs sans victoire. Une parfaite mise en bouche de ce qui les attend.
Vice-champion de France la saison précédente, à seulement deux points de l’OM, Bordeaux dispute également la Coupe d’Europe. Alors du côté du Haillan, on se dit fort logiquement que la Coupe UEFA va être une grosse bouffée d’oxygène. Que nenni. On est plus proche d’une insuffisance respiratoire à la place. En 32es de finale, les Bordelais sont confrontés au mythique club nord-irlandais de Glenavon. L’exploit ne se situe pas dans la qualification girondine, mais bien dans leur match nul 0-0 à l’aller face à onze agriculteurs indépendantistes.
Au tour suivant, c’est le FC Magdebourg qui barre la route des Marines et Blancs. Deux victoires sur le score fleuve de 1-0, et ce sont les huitièmes de finale qui s’offrent aux Bordelais. Opposés aux Italiens de l’AS Rome, les Girondins font enfin face à une double confrontation de haut niveau. Et ce duel va se montrer à la hauteur de nos espérances.
Une humiliation romaine absolument pas Völler
Le tirage au sort s’est voulu clément avec les Marines et Blancs. En effet le match aller se joue en Italie, avant la décision finale au Parc Lescure. Mais on serait presque tenté de dire que le match retour ne va pas servir à grand-chose. Dès la 10e minute au Stadio Olimpico, le gardien Joseph-Antoine Bell s’illustre avec classe. Sur une sortie qui paraît anodine, le portier voit le ballon lui glisser des mains. Il n’en fallait pas plus au renard Rudi Völler qui rodait non loin.
Une entame de match ratée, et une fin de première période foirée aussi. Sur un petit ballon au-dessus de la défense, Gerolin est absolument seul et s’apprête à défier Bell. Mais le jeune Lizarazu préfère assurer le coup en découpant le milieu de terrain italien. Pénalty. Völler se charge d’envoyer une mine en plein axe, et de refroidir les ardeurs des hommes de Gérard Gili. La colère du coach à la mi-temps doit être terrible. Il lui faut à tout prix trouver les mots justes pour réveiller ses joueurs. Et c’est une mission qu’il va accomplir haut la main.
Cinq minutes à peine après la reprise du jeu, sur une énième ouverture en profondeur romaine, le capitaine bordelais Jean-Christophe Thouvenel prolonge le ballon de la tête pour son gardien. C’était bien évidemment sans compter l’absence de communication entre les deux, et la (seconde) sortie de génie du portier. Le ballon est mis pile dans la course de Völler qui n’a plus qu’à pousser le ballon au fond des filets pour la deuxième fois de la soirée. Rien de mieux qu’un match de Coupe d’Europe pour montrer le savoir-faire français.
Mais la boucherie ne s’arrête pas là. Sur un centre au second poteau, Joseph-Antoine Bell passe au travers pour la troisième fois, mimant d’aller capter le ballon afin de berner ses défenseurs, pour s’apercevoir au tout dernier moment qu’il est finalement trop court. Un rien provoque un trou d’air chez Bell. Le dernier but de Gerolin, sur un centre de ce diable de Völler, est presque symbolique. Si ce n’est qu’il permet de réaliser une manita grandeur nature.
Le résumé du match Bordeaux – AS Rome
Après le premier acte parfaitement réussi dans la ville éternelle, le match retour au Parc Lescure fait figure de jubilé. Mais du côté girondin, on s’attend à une grande soirée de Coupe d’Europe. Car oui, l’espoir est encore dans toutes les têtes. Mais pas pour longtemps. À la demi-heure de jeu, à la suite d’un nouvel alignement en accordéon de la défense bordelaise, Joseph-Antoine Bell conclut avec maestria sa performance XXL débutée au match aller. Le bougre sort à 40 mètres de ses buts et fauche l’attaquant italien parti tout seul. Carton rouge. Quatrième sortie lunaire, une Bell manière de boucler la boucle.
Mais devant leur public, les Marines et Blancs ne cèdent pas. Puis arrive cette folle 72e minute. Alors que Durand se retrouve dans la surface romaine et s’apprête à frapper au but, ce dernier est bousculé dans le dos par un Italien. Mais l’arbitre a visiblement la flemme de souffler dans son sifflet. Même pas le temps de gamberger que sur le centre suivant, le défenseur de l’AS Rome stoppe possiblement le centre de la main. Toujours pas suffisant pour l’arbitre.
Les Italiens se dégagent en catastrophe, mais manque de pot pour les Girondins, le ballon atterrit sur Völler.
L’Allemand temporise et décale Gerolin. Le milieu italien résiste à un tacle et défie Philippe Sence. Le gardien, qui a remplacé Bell en première période, ne trouve pas mieux lui aussi que de faire basculer à la renverse le joueur romain. Pénalty. Panenka de Völler. Un éternel refrain. Le dernier but de Desideri ne changera rien. Hormis de faire partir les derniers supporters les plus assidus. Défaite 2-0 à domicile. Soirée aussi traumatisante qu’à l’aller.
Les Girondins terminent le championnat à la 10e place. Sans avoir une chance de revivre une campagne européenne. Mais bon, il est fort possible que ça les arrange. Et comme si ça ne suffisait pas, Bordeaux est finalement rétrogradé en D2 l’année suivante à cause de ses déficits budgétaires.
C’est ce qu’on appelle, dans le jargon, la cerise sur le gâteau.