Si la Formule 1 nous offre chaque saison sa part de craquages bleus blancs rouges et d’accrochages typiques de nos pilotes franchouillards, la catégorie reine du sport automobile n’est pas la seule discipline à pouvoir se targuer de nous fournir de si belles histoires. 8 Janvier 1989. Tandis qu’Alain Prost est en passe de décrocher sa troisième couronne mondiale, nos regards se détournent logiquement de la F1 pour s’intéresser de plus près à une autre course célèbre : le Paris-Dakar. Et un certain Jean Todt va rendre cette édition mythique…
Créé en 1978, le Paris-Dakar voit en 1989 une opposition légendaire pour la victoire finale : Ari Vatanen et Jacky Ickx. Champion du monde des rallyes en 1981 et vainqueur de son premier Paris-Dakar en 1987, le finlandais veut confirmer. Pour ce qui est du belge, s’il a lui aussi déjà remporté le Dakar en 1983, ses six succès aux 24 heures du Mans le placent comme grandissime favori de l’épreuve.
Mais tout ne va pas se passer comme prévu…
1989 : Un suspense digne de Mercedes
Le Paris – Tunis – Dakar 1989 est la 11e édition de ce Rallye Raid connu mondialement. Si l’épreuve attire toujours autant de monde, la lutte pour la victoire se résume seulement aux deux voitures Peugeot. D’un ennui sans nom. Croit-on. Le premier kilomètre de course n’est pas encore atteint que Vatanen décide d’emblée de se montrer en spectacle. Le finlandais part en tonneau 300 mètres après le départ du prologue. Le signe qu’il s’agit d’une grande édition du Dakar.
Tous deux pilotes pour la marque du Lion, Ickx et Vatanen vont très vite écœurer la concurrence comme prévu à bord de leurs Peugeot 405 T16. Mais la lutte en interne s’intensifie de jour en jour. Jusqu’à cette 11e étape entre Niamey et Gao. Cette spéciale va atteindre les sommets de dualité entre les deux pilotes. Digne du Gp de Malaisie 2013 entre Vettel et Webber, ou encore du délicieux GP de Hockenheim 2019 et l’accrochage Grosjean – Magnussen. Ponctué du sublime « My god this guy is incredible, he will never learn ! ».
Vatanen et Ickx se rendent coup pour coup, n’ayant de cesse de se doubler l’un et l’autre. Et comme lors du prologue, Vatanen part une nouvelle fois en tonneau. Il s’en fait désormais une spécialité. Une « Ari » dans le jargon. Tous ces efforts lui permettent tout de même de revenir à 2 minutes de Ickx au général.
« On est allé trop fort, j’ai failli faire un tonneau par l’avant. Depuis quatre jours c’est dur, très dur » J. Ickx
Ickx mis KO par l’accord de Gao
Facilement premier et deuxième, la victoire du Paris-Dakar se joue entre les deux pilotes Peugeot. C’est le moment choisi par Jean Todt, alors directeur sportif de Peugeot Sport, de sortir de son chapeau la fameuse « consigne de course ». Ou comment mettre son grain de sable. Sans mauvais jeu de mot. Une technique qu’il ramènera en F1 avec Schumacher et Barrichello. Et pour parvenir à départager ses deux pilotes, Todt a une idée bien à lui.
« Le verdict a été décidé par une pièce de 10 francs. Ce sera Vatanen le vainqueur » J. Todt
On voudrait décider de qui doit aller descendre les ordures dans le local à poubelles qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Si la décision de Todt essuie de très nombreuses critiques dans le monde automobile, elle reçoit toutefois le soutien appuyé de son compatriote Jean-Marie Balestre, Président de la Fédération Internationale du Sport Automobile (FISA).
« Cette décision à pile ou face ridiculise Peugeot, ridiculise le Paris-Dakar et fait injure à tous les participants ainsi qu’au sport automobile » J-M. Balestre
Cette France qu’on ne cessera d’aimer.
Et tels les accords de Paris, l’accord de Gao va s’avérer être une gigantesque mascarade française. Dès l’étape suivante, Ickx laisse passer Vatanen. Chez Peugeot, on se dit alors que la situation est réglée. Oui mais voilà, la pièce de 10 francs n’a pas choisi le plus fûté des deux pilotes…
Le destin ne veut pas faire gagner Vatanen
Avant-dernière étape. Vatanen commet une erreur de navigation et se trompe de village. Ickx ne s’en rend pas compte et lui reprend six minutes. Voici Jacky à nouveau en tête du classement.
« Ari est convaincu que j’ai roulé vite, mais c’est faux, je l’assure ! » J. Ickx
Situation folle où le pilote belge doit se justifier de ne pas être allé vite dans une course automobile. Total respect à Jean Todt qui a permis cette situation carrément démentielle.
17e et dernière étape. Contrairement à Gao, Jacky Ickx ne ralentit pas pour laisser passer Vatanen au début de la spéciale. Il veut montrer à Todt et Peugeot qu’il aurait dû gagner. Mais parvenant à délaisser son seum belge, devenu légendaire par la suite, Ickx ralentit à 200 m de la ligne pour offrir la victoire à son coéquipier.
Jacky Ickx termine à 3 min 44s de Vatanen, sur une course de plus de 26 heures. L’année suivante, Vatanen remportera à nouveau le Paris-Dakar. Ainsi qu’en 1991.
Et sans aide de pièce de 10 francs cette fois.
La stat : 3 heures et 55 minutes
Derrière les deux fusées Peugeot, le pilote français Patrick Tambay termine 3e de l’épreuve à bord de sa Mitsubishi Pajero. À seulement 3h 55min du duo de tête. Oui monsieur.