On y est enfin. Après une première semaine en dents de scie et une seconde semaine qui s’est finie en allant acheter des cartouches à Andorre pour les potes, la 3e semaine cruciale arrive. Et le menu est un peu plus copieux et subtil qu’un repas chez le chef Leroy, on vous le dit. Un col du Portet en entrée, du Tourmalet en résistance, un petit Luz Ardiden comme plat principal, un contre la montre en guise de dessert et le petit dijo sur les Champs-Élysées. Allez, c’est parti. Bonne dégustation.
Le col du Portet, primi piatti
On vous rappelle le topo, on commence la semaine à la place du con. 4e, à 1 minute 40 de Bernal et donc du podium. Alors la stratégie est claire pour cette dernière semaine, elle sera Jean Alesiesque. À Fond, à fond, à fond ! Objectif zéro remords.
Passons l’apéritif entre Pas de la Case et Saint-Gaudens. On a bien essayé d’y aller au panache, mais on s’est très vite rendu compte que gagner du temps au général sur des cols de 4e catégorie dans le final, c’est du niveau des grandes étapes de la Movistar. Statu quo, on garde les forces pour les grandes Pyrénéennes. Ça tombe bien, demain il y a une petite arrivée à Saint-Lary-Soulan, au col du Portet après 2 cols de 1ère catégorie. Ça devrait lancer les Pinostilités.
On se jauge dans les 2 premiers cols, le peloton s’écrème et on envoie de grosses sacoches dans la montée finale. À ce petit jeu, Tadej Pogacar est comme dans la vraie vie. Seul au monde, sans coéquipiers. Et pour quoi faire ? À 5 kilomètres de l’arrivée, on tente bien de se faire la belle, mais Bernal et Pogacar ont le jump qu’il faut. Las de voir notre rédacteur jouer au fugitif, ils l’encerclent et l’accompagnent tel un Michael Scofield des grands jours. Résultat, petit surrégime et ça finit dans le rouge à concéder des secondes sur Bernal. Encore une fois surpris du réalisme du jeu quand il s’agit de vivre des désillusions tricolores.
Le Tourmalet + Luz Ardiden — Secondi Piatti
La réalité devient de plus en plus violente. Ce podium, on commence à le perdre de vue assez rapidement. Alors cet enchaînement Tourmalet — Luz Ardiden, on veut l’inscrire à notre nom. Et puis on ne va pas vous mentir, au passage du Tourmalet, votre fidèle rédacteur a oublié quelques secondes son appartenance. Ce frisson… putain de Juillet 2019.
Bref, petite descente le temps de reprendre ses esprits, de se remettre dans l’instant présent et d’attaquer Luz Ardiden. Ce col mythique où un certain Américain traitait en direct avec Odin. Ici, on va traiter directement avec Pogacar, et ça sera déjà pas mal. On le laisse attaquer en solo au début du col, on connaît le manège maintenant. On suit tranquillement un tempo soutenu, quand tout à coup, sous la bannière des 5 kilomètres, apparaissent les mots magiques :
PINOT EN JAUNE
On l’a fait. On vous l’avait promis, le voici. Pinot en Jaune. Maintenant, on n’a plus rien à perdre. On reprend un peu du gel goût coca infect, mais qui donne un petit coup de boost et on envoie du lard. On se rapproche du Slovène, mais l’autre nous colle encore. Alors bon, Primoz, pour toi, on en renvoie une seconde. Le duel homérique arrive. Pinot vs Pogacar. Et autant vous le dire, on va la jouer un peu sale. Alors qu’on vient de reprendre le lead, on remarque le Slovène qui monte en danseuse pour attaquer. Ni une, ni deux, une petite défense à la Sergio Perez en Formule 1. On envoie Tadej dans les graviers, et on le fait rasseoir. Il sait que ça ne se jouera pas seulement à la pédale. À la fourberie aussi si besoin.
Et dans le final, on tente l’attaque en 2 temps. On fait semblant d’être cramé pour envoyer une sacoche finale. Elle y est, elle est pour nous. LA VICTOIRE A LUZ ARDIDEN. Un nouveau col légendaire dans la carrière du Franc-Comtois.
Mieux encore, on s’offre les 10 secondes de bonifications pour la beauté du geste.
On revient à 1 minute 20 du podium et de Bernal, avec un contre la montre à faire. Ça donne beaucoup de regrets quand on voit par quoi on est passé, mais bon, il faut voir devant. Alors, peut-être…
Le CLM Final
Cependant, vous le savez bien, le premier Contre-la-montre de ce tour avait été un fiasco. Alors l’entraînement a payé, et on est parti pour tout donner. Bien qu’il fut compliqué de résister à poser pied à terre pour aller se boire un petit Bordeaux plutôt que de pédaler sous le cagnard, on est resté focus. Après un petit début pour garder des forces, on a tout donné. On a même rattrapé Miguel Angel Lopez. Résultat, on termine 19eme à 1 minute tout pile de… Wout Van Aert. Comme quoi le jeu est super réaliste. 35’06 dans le jeu contre 35’53 dans la réalité.
Bon, maintenant, c’est l’heure de vérité. Ce pour quoi on s’est battu pendant 3 semaines. A-t-on réussi à rattraper ce qu’il fallait rattraper sur Bernal ? La réponse est cruelle. Non. On échoue à 26 petites secondes du Colombien. La déception est immense, mais bon. Qu’attendiez-vous de la FFL qui essaye de faire gagner un Français…
Le cocktail final, les Champs-Élysées
Mais nous vous avions promis des choses. Celle de voir Pinot en jaune, c’est fait. Bon, à la peinture sur le bitume de Luz Ardiden, mais quand même. Maintenant, on voulait voir Thibaut Pinot sur le podium à Paris, alors on le fera d’une autre manière. On va s’envoyer un dernier frisson dans le tour final, devant les Tuileries. Mais ce dernier frisson, dure, dure et on ne sent pas encore le souffle des équipes de sprinteurs. Alors on reprend un peu de force pour recarburer dans le final. Et s’imposer devant Bennett au sprint.
Vous vouliez voir un premier Français en jaune depuis Hinault en 1985, vous aurez un premier Français vainqueur sur les Champs depuis l’immense Jean-Patrick Nazon en 2003.
Un tour sous le signe du chiffre 4
Un final grandiose pour un Tour assez FFL au final. Beaucoup de panache avec 4 victoires d’étape pour l’équipe, mais aussi 3 quatrièmes places. Celle de Pinot au général, celle de Démare au maillot vert et celle de la Groupama-FDJ.
On a respecté l’ADN, et le principal est là.
Le classement final, avec les 10 secondes de bonification sur les Champs. Rendez-vous l’année prochaine !