22 mars 1997. Certainement la chute la plus vertigineuse de l’histoire du XV de France. Après plus d’un demi-siècle d’invincibilité face au voisin Italien, les Bleus décident de s’asseoir sur cette hégémonie. Et pour boucler la boucle, le match ne pouvait se dérouler ailleurs… qu’en France. 25 ans plus tard, cette rencontre est plus que jamais une bulle d’oxygène vitale face à cette Ovalie devenue si méprisante avec nous.
Le samedi 15 mars 1997, les Tricolores terrassent les Écossais 47-20 au Parc des Princes, et s’adjugent du cinquième Grand Chelem de leur histoire. Dix ans après leur dernier. Fort de leur victoire à Twickenham durant le Tournoi, les Bleus sont littéralement sur un nuage. Alors pour fêter ça, quoi de mieux qu’une bonne petite semaine de gueule de bois, le pif dans les chopes de bière. Jusque-là vous me direz, rien de plus normal que de célébrer la 3e mi-temps avec la manière. Mais lorsque vous avez la finale du Championnat Européen des Nations à disputer le week-end d’après, le timing se fait mince. Propos confirmés par le demi de mêlée Guy Accoceberry.
« Au rassemblement à Grenoble, nous avions encore du champagne dans les veines… » G. Accoceberry
C’est donc avec 8 grammes dans chaque bras que le XV de France part affronter l’Italie pour le fameux Trophée Européen. Rien que l’existence de cette compétition est une blague à elle seule. Elle voit le jour en 1931 suite à l’exclusion de la France des V Nations à cause d’un niveau de jeu « trop mauvais », nuisant à la compétitivité du Tournoi. Vexés, les Bleus créent une compétition concurrente au Tournoi des V Nations pour le concurrencer. Excluant ainsi les nations britanniques, et ayant pour principal adversaire la Roumanie. Le génie à la Française.
Le résumé du match XV de France – Italie
Vainqueur de 26 des 32 premières éditions, autant dire que l’Équipe de France part légèrement favorite pour cette finale du Championnat Européen des Nations 1997. En face, le rugby en Italie est encore semi-pro. Voire semi-amateur quand on voit évoluer certains joueurs. Mais les transalpins ont un as dans leur manche : Georges Coste.
La finale se déroule au stade Lesdiguières de Grenoble devant 15 000 spectateurs. On s’attend à une boucherie, on va l’avoir. Le match débute et les transalpins se montrent d’emblée. Le trois-quarts centre Francescato s’enfonce comme dans du beurre dans la défense tricolore. Premier essai, et pas le dernier.
Seulement six minutes au tableau d’affichage, et le XV de France se retrouve déjà dans la marée haute. Mais dès le quart d’heure de jeu, le fair-play à l’italienne revient au galop. À cinq mètres de la ligne d’en-but, mêlée introduction française. La Squadra écroule 4 mêlées d’affilée sans pression. Essai de pénalité. À la mi-temps, les Italiens mènent 20-13 dans le plus grand des calmes isérois.
Tandis que nous approchons de l’heure de jeu, le score est de 20 à 20. Les Français jouent dans les 22 mètres italiens, sans penser une seconde à la minute qui va suivre. Le ballon voyage dans les mains de dix transalpins pour remonter tout le terrain. Crocci se charge d’aplatir le troisième essai. Puis la marque s’élève à 40-20 sur un dernier essai de Vaccari. L’humiliation en devient gênante sur le sol français. Les supporters essayent de regarder ailleurs, ou de plonger leurs yeux dans le guide du match. Si le score ne bouge plus jusqu’à la 79e minute, les Bleus décident tout de même de planter deux essais dans la dernière minute, score final 40-32. La gifle reste immensément savoureuse.
Un record qui datait d’avant la Seconde Guerre Mondiale
En seulement une après-midi, les Bleus ont fait voler en éclat une série de 19 victoires et 60 années d’invincibilité. Une première défaite historique qui permet de mesurer un peu plus l’immensité de l’exploit. Modestes, les Bleus ont toutefois très vite sorti l’excuse de l’équipe D. Mais à y regarder de plus près, il y avait quand même sur la pelouse Delaigue, Saint-André, Betsen, Pelous… À d’autres, la FFR.
Une mention spéciale pour Ougier, Accocebery et De Rougemont qui ont mis un terme à leur carrière internationale sur cette claque. De son côté, l’entraîneur de l’Italie Georges Coste rappelle à quel point il reste français. Une bonne dose d’espoir en intraveineuse pour le peuple italien. Vous ne lirez rien de plus beau aujourd’hui.
« Il n’y a plus de gêne à dire que nous faisons aujourd’hui jeu égal avec l’Irlande, l’Ecosse et le Pays de Galles » G. Coste
Prophétique. Cette victoire de la Squadra Azzurra a incontestablement précipité l’admission de l’Italie dans le Tournoi des VI Nations en 2000. Et dire que c’est une bringue qui est à l’origine de vingt années de branlées italiennes au début de chaque printemps. Inutile de préciser qu’en bons perdants, les Français n’ont plus jamais participé à cette compétition. Si le XV de France s’est effondré face à l’Italie une semaine après avoir réalisé le Grand Chelem, celui obtenu en 2010 a connu le même sort ; les Tricolores ont subi l’année suivante la première défaite de leur histoire en terre italienne.
Et devinez qui vient de réaliser le Grand Chelem cette année ? On dit ça on dit rien.